Les archives de l’Ain viennent de mettre en ligne le fonds Bernard, une collection de près de 35 000 plaques photographiques du Bugey et des ses habitants au XXe siècle. Et surtout, avec ces photos, le nom des personnes photographiées grâce aux 80 agendas conservés intactes. C’est donc une formidable base pour retrouver éventuellement les visages des officiers, sous-officiers et soldats du 133e RI ou du 23e RI, ainsi que leur familles. Et la première surprise est de trouver une série de portraits du fils du commandant Barberot, Jacques, et de son épouse Alice. D’autres portraits sortent aussi après une recherche lancée sur les nombreux noms rencontrés depuis plus de 7 ans lors des articles et recherches. Faisons l’inventaire …
Le fonds Bernard
Le fonds Bernard résulte, d’après le site des archives de l’Ain, de quatre générations de photographes de la famille Bernard, ayant travaillé tout au long du XXe siècle. Le site des archives de l’Ain l’a numérisé mais surtout indexé, ce qui permet d’effectuer de belles recherches sur des périodes, des thèmes, mais aussi de manière plus libre.
On rappellera au lecteur de ce blog un autre photographe, auteur de cartes postales, soldat du 133e RI et tombé à la Fontenelle le 8 juillet 1915 : Alphonse Grospiron.
Portraits
Face à une telle collection de photos et un puissant outil de recherche, il a été facile de se lancer dans une quête des visages des nombreux noms rencontrés dans mes recherches. Beaucoup d’interrogations n’ont donné aucun résultat et on ne retrouvera par les nombreux soldats dont les biographies ont été publiées sur ce blog. Mais d’autres ont livré une réponse. Voici le résultat de ces quelques portraits retrouvés (pour chacune des personnes citées ci-dessous, d’autres clichés sont disponibles) avec une courte biographie.
Les officiers du 133e
Général Gabriel Ganeval
Gabriel Ganeval (1853 – 1915) rejoint l’armée à 17 ans comme engagé volontaire en 1870. Il poursuit une carrière militaire d’officier après le conflit sans passer par Saint Cyr ni par l’école de guerre. Il commande le 133e régiment d’infanterie de 1906 à 1911, année où il est nommé général de brigade. En août 1914, il commande la 62e division d’infanterie dans les Ardennes. La débandade d’un de ses régiments l’amène à être limogé. Il parvient à reprendre un commandement début janvier 1915. Il est nommé au corps expéditionnaire d’Orient. Il est tué à Gallipoli le 7 juin 1915 d’une balle dans le front.
Colonel François Dutreuil
François Hippolyte Dutreuil (1856 – 1926), saint-cyrien (promotion « La dernière de Wagram »), prend le commandement du 133e RI le 26 juin 1911. Il commande toujours le régiment à la déclaration de guerre en août 1914 et dirige les opérations lors des combats de Mulhouse et de Cernay. Il est blessé le 4 septembre 1914 au col des Journaux et remplacé par le lieutenant-colonel Dayet à la tête du régiment. Il est nommé à la tête du 212e RI après son rétablissement, jusqu’à la fin de la guerre.
Commandant Antonio de Corn
Antonio Jules De Corn (1867 – 1953) commande le 3e bataillon du 133e RI en 1914. Il est fait prisonnier le 7 septembre au col des Journaux et interné à Ingelstadt.
Capitaine Jacques Piébourg
Le capitaine Jacques Piébourg (1879-1918), saint-cyrien, rejoint le 133e RI à sa sortie de l’école, comme sous-lieutenant, qu’il ne quitte pas jusqu’à sa mort au combat le 18 août 1918 lors de l’offensive de la victoire. Retrouvez sa biographie ici.
Capitaine Joseph Juvanon du Vachat
Laurent-Joseph Juvanon Du Vachat (1868-1915) était ingénieur agronome, ancien conseiller général du canton de Lhuis (1895-1901), ancien maire de Conand (canton de Saint-Rambert (Ain)) de 1896 à 1912. Capitaine de réserve, il se trouve en 1914 dispensé de toute obligation militaire, mais il demande à reprendre du service et rejoint le 133e RI. Il tombe le 8 juillet 1915 lors de la reprise victorieuse de la Fontenelle. On retrouvera ici son parcours sur ce blog.
Les veuves
Madame Munsch
Madame Caroline Eugénie Rose Munsch (1881-1970), née Prost, est l’épouse du lieutenant Louis Georges Munsch (1877-1914), né à Lyon, engagé volontaire le 20 janvier 1895. Ce dernier rejoint tout d’abord le 29e régiment d’infanterie. Il est promu sergent le 4 mars 1896 puis sergent fourrier le 26 août de la même année. Admis à l’école de Saint-Maixent en 1901, il sort comme sous-lieutenant en 1902 (promotion Mitylène) et rejoint le 133e RI. Promu lieutenant le 1er avril 1904, il commande une section de mitrailleuses à la déclaration de la guerre. Nommé le 15 septembre 1914 à la tête de la 1ère compagnie, il est grièvement blessé le 20 septembre. Il meurt le 26 à l’hôpital militaire de Saint-Dié des suites de ses blessures.
Madame Alice Barberot et son fils Jacques
Le fonds Bernard conserve plusieurs photos d’Alice Barberot à différentes époques (jusqu’en 1939). Née Bally (1870–1961), épouse de Charles, Alice Barberot s’engage dès le début du conflit comme infirmière à l’hôpital militaire mixte de Belley (Ain). Elle participe aussi à la création du “petit paquet du soldat” en octobre 1914, dont le but est de faire parvenir aux régiments de Belley du linge et des effets de laine. Enfin, elle est membre du comité qui gère le Foyer du Soldat à Belley, destiné aux soldats de passage au dépôt de Belley. Elle retrouve dans ces différentes activités d’autres épouses et veuves d’officiers, comme la générale Ganeval ou madame Munsch (Le Livre d’Or du Bugey pendant la guerre, Librairie F. Montbarbon, Belley, 1921.). Elle rejoint la ligne de front avec son fils Jacques à Plainfaing pour assister à l’enterrement de son mari le 10 août 1915, tombé au Linge le 4. Elle achète ensuite un concession dans le même cimetière, pour y transférer le corps de son mari. Leur fils Jacques (en photo en tête d’article) y est inhumé après son décès accidentel à Saint-Cyr. Alice résidera jusqu’à la fin de sa vie à Belley.
Les témoins
Famille Adam
On retrouve dans le fond plusieurs photos d’une famille Adam, manifestement la même que celle du docteur Frantz Adam, médecin au 23e RI, connu aussi pour les nombreuses photographies qu’il a pu prendre et de son ouvrage « Sentinelle prenez garde à vous » qui raconte notamment ses combats à la Fontenelle. Le docteur Adam est spécialisé en psychiatrie, et œuvre à l’asile d’aliénés de Bourg en Bresse. Il contribue d’ailleurs au progrès de cette discipline après la grande Guerre. La photo ci-dessous, prise en 1926, est peut être son épouse, Marie Edmée Arnaud, fille d’un autre père de la psychiatrie en France. Elle est indiquée comme employée de Saint-Georges, asile d’aliénés pour les hommes de Bourg-en-Bresse. Le fonds comporte aussi une photo du frère de Frantz Adam, qui devient prêtre après la guerre.
Famille Saint-Pierre
On trouve aussi dans le fonds de nombreuses photos de la famille Saint-Pierre, dont les photos du front ont pu généreusement illustrer mes ouvrages grâce à Dominique Saint-Pierre.
Il y a probablement de nombreuses autres portraits à identifier. Que mes lecteurs bugistes n’hésitent pas à mettre en commentaires ceux qui seraient retrouvés.