La nouvelle demeure de l’aspirant Louis de Corcelles

Par un message récent, le lieutenant-colonel Pierret, président de l’amicale du 133e RI, m’a appris que la dépouille de Louis de Corcelles, dont j’ai publié les lettres de guerre commentées chez Edhisto, avait rejoint en septembre dernier le nouvel ossuaire militaire du cimetière de Bourg-en-Bresse. Une surprise car la tombe avait été photographiée par Véronique Janéaz et publiée dans mon ouvrage. Mais aussi une prise de conscience sur l’enjeu des tombes abandonnées et reprises par la commune, dont certains corps sont ceux de « morts pour la France ».

La création de l’ossuaire des morts pour la France

France 3 a consacré un reportage à l’inauguration le 10 septembre 2022 dernier. Ce sont 59 « morts pour la France » de différents conflits, dont les corps ont été transférés de concessions reprises, par abandon et sans manifestation de descendants. C’est sous l’impulsion du Souvenir Français que ce projet a eu lieu, association qui travaille à la préservation des tombes des soldats tombés pour la France. En repérant les tombes abandonnées ou en fin de concession, et en vérifiant la présence de soldats décédés, il a pu organiser avec la mairie le transfert vers un ossuaire spécialement dédié aux « morts pour la France ».

Sépulture perpétuelle ou non

Le cas de ces tombes ramène au statut des sépultures des soldats tombés en 14-18 tel qu’il fut appliqué après la guerre. Par une loi du 29 décembre 1915, les soldats morts au combat ont eu droit à une sépulture perpétuelle aménagée et entretenue par l’État dans les nécropoles et cimetières nationaux. Néanmoins, suite aux demandes de familles, une loi du 31 juillet 1920 permit de restituer à celles qui le souhaitaient la dépouille de leur parent « mort pour la France ». Dans ce cas, ces familles perdaient le droit à l’entretien perpétuel de la sépulture par l’État. Le régime juridique qui leur était alors applicable était celui des sépultures privées situées au sein des cimetières municipaux. Or aujourd’hui, le temps a fait son œuvre et nombre de tombes sont abandonnées en l’absence de descendants ou d’éloignement de ces derniers. Afin d’éviter que les corps des poilus MPF soient mis dans l’ossuaire municipal, le Souvenir Français a lancé de nombreuses initiatives pour leur affecter un ossuaire dédié.

Une solution du moindre mal

L’action du Souvenir Français ne peut être que louée face à un sort bien plus anonyme qu’aurait été l’ossuaire municipal. Il n’en reste pas moins qu’une partie de l’information de la tombe individuelle et donc de l’histoire est perdue. Ainsi, l’ossuaire reprend le nom de Louis, mais avec son premier prénom seulement (non usuel).

La pierre tombale d’origine était plus riche, bien qu’il ait fallu la nettoyer pour en découvrir les riches inscriptions :

Cette tombe avait été inaugurée par une cérémonie le 11 juillet 1921 avec honneurs militaires, présidée par son cousin Louis Rocoffort (1878-1973), après que le corps de Louis eut été exhumé au cimetière militaire de Maurepas.

Pourquoi la tombe de l’aspirant de Corcelles a-t-elle été reprise ? Etait-ce une concession temporaire (50 ans ? 100 ans ?) qui n’a finalement pas été renouvelée (volontairement ou par absence de contacts avec les descendants ?) ou bien une concession perpétuelle mais reprise car considérée comme abandonnée. Ce qui laisse penser la fin d’une concession est la date anniversaire centenaire de la tombe, de juillet 2021. Mais quelques vérifications sont en cours qui donneront la réponse.

Surveiller ses tombes

La démarche de reprise de concession passe par une recherche d’héritiers et de descendants éventuels, sinon d’une publicité affichée en mairie. Il n’est pas étonnant que des familles existantes voient donc leur tombe reprise parce qu’elles n’ont pu être trouvées. La publicité affichée en mairie dans ce cas sera difficilement repérée, et l’affichage de la reprise de la tombe sur la sépulture même ne permet de se manifester que si l’on passe durant le laps de temps de l’attente avant la reprise de la concession.

Ainsi ai-je eu beaucoup de « chance » de retrouver la tombe du commandant Barberot à Plainfaing en juillet 2016, et d’avoir pu faire quelques travaux de restauration pour ne pas lui donner un statut de tombe « abandonnée ». En effet, sa veuve avait justement demandé la récupération du corps, pour construire à quelques mètres du carré militaire une sépulture privée où il repose aujourd’hui avec son fils et son épouse. Un passage régulier, dans la mesure du possible, évitera – je l’espère – de voir sa dernière demeure « récupérée » et son souvenir s’effacer.

2 Commentaires

  1. Bonsoir Philippe et à tous. Ce problème est récurrent dans les municipalités qui doivent gérer leur cimetière et « faire de la place ». Le Souvenir Français est heureusement un partenaire efficient pour sauvegarder la mémoire de ces soldats dont certaines communes n’hésitent pas à effacer la mémoire sans autre forme de procès ni d’analyse. (Un tel projet, un temps annoncé à Saint-Dié-des-Vosges, semble avoir été récemment abandonné). Pourtant, cette « mise en ossuaire » contrevient à la philosophie même de l’individualisation des sépultures qui a prévalu dès l’appréhension de la mort de masse consécutives aux premiers combats dans la Grande Guerre. Aussi, pour un gain relatif de place dans les cimetières communaux, le regroupement des carrés militaires en ossuaire n’est pas, contrairement à ce qui semblerait paraître, le traitement normatif des Poilus qui les peuplaient ; il contrevient au principe de l’individualisation mémorielle qui prévalait au sortir de la grande boucherie. Il faut louer toutefois la veille mémorielle du Souvenir Français qui contribue tant à « limiter les dégâts » des « insavoirs vernaculaires » ni plus ni moins que profanatoires. C’est le cas, hélas, du carré militaire de Bourg. Yann Prouillet

    1. Bonjour Yann, merci pour ces précisions. Dans le cas présent, Louis de Corcelles n’était pas dans un carré militaire, mais dans une concession privée (comme le commandant Barberot d’ailleurs). C’est donc probablement un cas particulier dont il faut connaître les raisons (fin de concession, abandon constaté …). Je vais en savoir plus dans les prochaines semaines. Et oui, le travail du Souvenir Français est important et précieux.

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