(Cet article fait suite au premier épisode : le désastre du 27 janvier 1915)
Alors que l’assaut désastreux du 27 janvier 1915 à la Fontenelle laisse le cadavre du lieutenant-colonel Dayet entre les lignes françaises et allemandes, un petit groupe d’officiers et de soldats se porte volontaire pour récupérer son corps. Plusieurs tentatives infructueuses vont se succéder mais c’est un soldat du 133e RI, Paul Seurre, qui va réussir avec un grand sang froid cette mission impossible et ramener Dayet. Son parcours ne s’arrêtera pas avec cet exploit …
Récupérer Dayet
Plusieurs récits sur la récupération de Dayet
L’initiative de récupérer Dayet est racontée par de nombreuses sources, que ce soient les récits de différents combattants, ou les historiques régimentaires. Ces récits donnent des versions différentes et n’attribuent pas nécessairement les mêmes rôles aux différents protagonistes.
Joseph Saint-Pierre
Ainsi, le récit de Joseph Saint-Pierre, qui est le plus détaillé et que je vais reprendre, montre que c’est lui qui est à l’initiative. Il suggère de récupérer le corps, obtient les encouragements de sa hiérarchie, trouve difficilement des volontaires et développe différentes techniques. C’est lui qui s’occupe de trouver le matériel. Il rend néanmoins l’honneur à Seurre d’avoir récupéré par son courage le corps, même si lui même rappelle comment il s’est exposé lors de l’opération.
Capitaine Dupuy
Le capitaine Dupuy reprend à peu près les éléments de Joseph Saint-Pierre, probablement parce qu’il a eu accès à son témoignage pour écrire son livre en 1936. Il mentionne néanmoins que l’idée initiale serait de plusieurs médecins : Epaulard (133e RI), Saint-Pierre (23e RI) et Giguet (23e RI). Il donne bien la direction de l’exécution à Saint-Pierre, cite les différents protagonistes : le soldat Seurre (133e RI), le brancardier Chapon (23e RI), les soldats Lecuyer et Pagnier (tous deux du 23e RI aussi), le sergent Coindre. La chronologie n’est pas la même et la première tentative de Seurre serait du 29 janvier. Il attribue aussi l’idée du stratagème final au médecin chef Epaulard.
Frantz Adam
Le médecin Frantz Adam, dans son ouvrage « Sentinelles … prenez garde à vous », évoque aussi l’événement mais ne l’attribue qu’à Seurre qu’il cite bien comme soldat du 133e RI. Il est pourtant du 23e RI mais ignore le rôle de Saint-Pierre. Est-ce intentionnellement ou simplement parce que le souvenir de l’événement n’a laissé que la mémoire de Seurre ? Le médecin Adam avait des relations difficiles avec certains de ses brancardiers, en tout cas l’abbé Loys Roux qui ne l’appréciait guère. Il ne serait pas impossible que les relations entre Adam et Saint-Pierre ne soient pas non plus excellents.
La presse
La presse va publier un communiqué narrant la mort du lieutenant-colonel Dayet et l’exploit du soldat Seurre (par exemple, dans La Croix du 4 mars 1915 mais on retrouve l’article dans d’autres titres, mot pour mot). Outre une version romancée de la mort de Dayet et une soi-disant conquête des deux premières tranchées, le communiqué raconte aussi, quatre heures après la bataille, l’intervention d’un parlementaire allemand proposant de rendre le corps en échange des deux tranchées conquises. Un général (Bulot ? ) aurait refusé en répondant : « on ne recule pas ». L’épisode est bien entendu purement fictif et écrit à des fins de propagande.
Une rivalité 133e RI / 23e RI ?
Une certaine rivalité transparaît aussi entre les deux régiments, le 23e RI et le 133e RI.
Joseph – du 23e RI – reproche aux officiers du 133e RI de laisser leur commandant au milieu du « no mans land ». Pourtant, c’est le 23e RI qui a mené l’assaut et occupe toujours le secteur. Le reproche est un peu facile. Joseph Saint-Pierre n’indique pas non plus que Seurre est du 133e RI.
Par la suite, c’est le soldat Seurre qui va rester rattaché à l’événement et son appartenance au 133e RI rappelé, ce qui efface quelque part le rôle de Joseph Saint-Pierre. L’historique du 133e RI ne mentionne ainsi que le rôle de Seurre. L’autre historique publié en 1920 indique même que des volontaires du 133e RI s’inscrivirent de toutes les compagnies et qu’il fallait donner des numéros d’ordre. Le passage se termine par : « Mais, à 10h du soir, le 133e avait ramené le corps de son colonel ». A côté de l’appropriation de l’exploit, cet enthousiasme pour trouver des volontaires ne semble pas être celui qu’observa Saint-Pierre.
La chronologie des événements
Nous reprenons ici les extraits du journal de Joseph Saint-Pierre, le récit le plus détaillé de l’exploit qui fit du soldat Seurre un héros.
28 janvier 1915 : l’initiative
Après l’assaut, le corps du lieutenant-colonel Dayet est bien visible. Le capitaine Dupuy écrit ainsi :
Parmi les capotes bleu horizon, on le distingue nettement, grâce à sa culotte rouge, ses houseaux et son manteau en drap foncé…
Joseph Saint-Pierre note quant à lui :
Je remonte à la 627 avec le Ct Roulet. Nous regardons le colonel Dayet étendu au milieu de nos hommes. On voit le sang sur la neige … Le bombardement continue… quelques blessés. Je m’étonne qu’on ne parle pas de relever le colonet Dayet. Son régiment n’y pense donc pas ? J’en parle à table avec Deloger et le capitaine Péron, puis avec le capitaine Doullet.
Après ce constat, il prend l’intiative.
Allons, décidément, je demande au commandant, puis au colonel, l’autorisation de tenter la chose, le régiment devant être relevé. Je demande à rester avec un brancardier. On me l’accorde. Je vais prendre mes dispositions.
29 janvier 1915 : 1ère tentative au crochet
Une fois l’autorisation obtenue, il s’agit de trouver l’équipement et surtout des volontaires :
Le bombardement continue … Je vais à Saint-Dié acheter des crochets, etc. Le colonel m’encourage vivement à faire mon possible. De retour à la Fontenelle, je trouve mes brancardiers réunis à Vercoste. Je les mets au courant de l’affaire et leur dis : « Qui veut venir avec moi ? » Personne ne répond, aussi j’ajoute : « Ne parlez pas tous à la fois ». Alors je désigne Bernard et Contant qui m’aideront ce soir. Chapon n’était pas là, je le mets au courant. Il dit simplement : « j’y vais ». C’est dans son caractère.
A 20 heures, nous partons avec perches et crochets. Jusqu’à minuit nous faisons tous nos efforts, mais en vain ; en effet, c’est la pleine lune, et sur la neige, on y voit comme en plein jour. Nous voyons les moindres détails de la tranchée allemande. Ils nous voient et nous tirent dessus à peu près constamment. Je distingue les secondes de ma montre à bout de bras ! Nous rentrons à minuit.
30 janvier 1915 : changement de méthode avec le traineau – crochet
Après les premières tentatives infructueuses, de nouvelles techniques sont essayées mais sans succès. Il est difficile d’imaginer comment d’ailleurs ces techniques pourraient réussir :
Le bataillon descend … Je reste avec Chapon. Avec un système de traîneau portant un crochet, nous montons à 19h 1/2 et travaillons au sauvetage jusqu’à minuit et demie … Insuccès … Paguier (d’Oyonnax) est venu nous offrir de lancer le crochet comme on le fait à la pêche … Insuccès.
31 janvier 1915 : Seurre et la technique du « spectre »
C’est le 31 janvier que le soldat Seurre rejoint l’équipe. Il s’est porté volontaire. Il est intéressant de noter que ce serait là aussi la remise en cause de son courage qui motive le soldat à se dépasser :
Outillage nouveau … je remonte encore, emmenant Paguier, Ecuyer, et Seurre qui est venu s’offrir pour attacher la corde au corps du colonel, cela parce qu’un lieutenant lui a dit un jour qu’il manquait de courage…
C’est évidemment un projet excellent, et j’ai dit à Deloger que je le mettrais à exécution moi-même, quand la lune voudrait bien me le permettre. Mais Seurre ne veut pas attendre, alors essayons. Je le couvre d’un drap de lit, lui fixe une corde à la ceinture, il en prend une autre à la main… Nous convenons qu’il tirera trois coups s’il est blessé.
Tout est prêt … Il monte sur le talus et se couche dans la neige … Le voici qui rampe … la corde file, s’arrête file puis s’arrête encore … Cinq minutes, dix, vingt, trente minutes s’écoulent … la corde ne bouge plus, depuis une courte fusillade qui semble avoir arrêté Seurre. Serait-il tué ? Je suis inquiet … Cependant, par dessus le parapet de la tranchée, je l’ai vu à 3 m. environ du corps … Soudain, un grand spectre qui revient … On lui a tiré dessus, dit-il, et l’a manqué… Le vent agitait le drap … Et puis il fait un froid terrible … Nous ne pouvons pus bouger les doigts … Rentrons à minuit.
1er février 1915 : l’invention gagnante de la tenue neige et la récupération du corps de Dayet
L’expérience du 31 permet finalement d’affiner la technique en recourant réellement à ce qu’on appelerait aujourd’hui une tenue de camouflage (concept inventé pendant la Grande Guerre). Joseph Saint-Pierre raconte :
Je vais à Saint-Dié, acheter un maillot blanc, pantalon blanc, souliers blancs et gants blancs, passe-montagne blanc.
Le soir, nous partons avec Seurre … même préparatifs. Je donne ordre aux sentinelles de droite et de gauche, de tirer par intervalles pour gêner les Boches. Seurre repart, une corde à la ceinture, en cas de blessure, une à la main … Il va très vite … puis plus lentement … Je le vois qui approche, une balle me claque à l’oreille, mais si fort, que je crois qu’elle ne pourrait passer plus près.
La corde file … sans doute il l’attache … En effet, le voici qui revient … il a fixé la corde au cou du colonel … Nous tirons … le corps résiste par adhérence au sol … Il est gelé ! Le capitaine Berbain m’avait prévenu et prédit même que j’échouerais dans mon entreprise … Tirons toujours … le corps cède, il vient, mais la neige s’accumule devant lui et augmente la résistance … Tirons encore … la corde casse ! Seurre la rattache … Nous tirons, elle casse encore … Nouvelle réparation … Le corps se prend dans les débris de fil de fer … Il est dégagé et avance … Enfin il vient buter contre le talus de la tranchée … C’est trop de malchance … Alors nous sortons trois de la tranchée. Seurre et X … de Belley, prennent le colonel par les épaules, et moi par les pieds… nous glissons dans la tranchée. Comment, à ce moment, les Boches ne nous ont-ils pas tués ? C’est ce que je ne comprendrai jamais…Ils ont vu le manège et nous faisions un groupe noir, debout, se détachant bien sur la neige. Nous faisons beaucoup de bruit aussi…Mais nous ne pensions qu’à notre affaire…Enfin, nous étions sains et saufs, malgré la nuée de balles qui sifflaient autour de nous.
Aussitôt nous transportons le colonel à La Fontenelle…La nouvelle est téléphonée à la brigade puis à la division…Nous descendons le colonel à Saint-Jean-d’Ormont sur un brancard roulant. Les sentinelles rendent les honneurs…on l’installe dans la salle mortuaire improvisée près du poste de secours.
En miroir de ce récit, il y celui d’un camarade de Seurre, publié sur un site ici. Il s’agit d’un courrier du 2 février :
Je vous ai écrit que nous cherchions à reprendre le corps de notre colonel. C’était une opération difficile, car il était tombé entre les deux tranchées, à vingt-trois mètres des nôtres, à six mètres de celles des Allemands. Après plusieurs tentatives vaines, on décida de faire appel à un volontaire.
C’est un de mes amis, P. Seurre, qui fait partie de ma liaison, qui se présenta. Je ne vous parlerai pas de ma stupeur lorsqu’il m’annonça son intention et c’est avec une bien grande émotion qu’à la veille de son entreprise, je lui dis adieu et lui souhaitais bonne chance.
Il s’y prit en deux fois. Le premier soir recouvert d’un drap blanc, se confondant ainsi avec la neige, il réussit à s’approcher assez près du corps. Il s’en trouvait à trois mètres lorsqu’une rafale de vent soulève le drap. Les Allemands s’en aperçoivent, tirent sur notre ami qu’ils manquent, criblent le linge et font rater l’affaire. Nullement découragé, Seurre veut recommencer. De nouveau, le lendemain soir, le voilà enjambant la tranchée. De la tète aux pieds, il est tout de blanc habillé ; par précaution, il s’est fait attacher. A la faveur d’un léger brouillard, il réussit à avancer rapidement. Du corps il est tout près. Maintenant il faut ramper. Lentement il avance en creusant un sillon dans la neige, qu’il rejette de chaque côté. Ça y est. Trois cadavres sont devant lui. Il s’arrête ; la neige a craqué. Des créneaux ennemis, à cinq mètres, il entend des chuchotements ; il devine des yeux qui cherchent sur la nappe blanche ; longtemps il reste là, écoutant : des sentinelles se soufflent dans les doigts pour se les réchauffer, d’autres frappent le sol de leurs pieds… Enfin, il se décide : il déroule la longue corde qu’il a apportée. Mais lequel des trois morts est celui qu’il cherche ? Doucement il soulève les corps, fouille les poches : une corne de commandement ! nul doute, c’est bien lui ; il l’attache solidement par la tête et par les pieds. Sa tâche est presque terminée. Mon ami alors se couche sur le dos, agite un peu la corde qui le relie à l’arrière et, salué par les salves des Allemands qui entendent un glissement, il se laisse tirer. Le colonel reste encore. On tire sur la corde. Le corps glisse, il approche, il va arriver à la tranchée, lorsque brusquement le câble casse. Les Allemands tirent toujours. Sans perdre le temps de réfléchir, Seurre réapparaît sur la tranchée, attache à nouveau le corps… La tentative a pleinement réussi. Depuis hier soir, mon ancien agent de liaison est caporal et proposé pour la Médaille militaire.
2 février 1915 : les félicitations
La nouvelle du sauvetage fait grand bruit et l’épopée du soldat Seurre remonte rapidement au général de la division, puis même à l’état major et dans la presse. Joseph Saint-Pierre écrit quant à lui :
Le Dr Epaulard m’emmène à la division où le général me félicite chaudement. Le médecin princpal également (Fr Adriet). La nouvelle a fait sensation en ville. On me raconte que ce sauvetage a coûté la vie à six hommes …première nouvelle !
Le corps du lieutenant-colonel est veillé par ses hommes. Le camarade de Seurre écrit encore :
Je reviens d’accomplir une heure de veille auprès du corps de notre colonel. Dans une grange que nous avons ornée de drapeaux et de branches de sapin, il repose sur un brancard et sa figure est éclairée par la lumière de deux bougies. Ses traits sont toujours énergiques et décidés, il est bien toujours le même que j’ai vu partir l’autre jour, le dernier de sa vie, son sabre d’une main, sa sacoche de l’autre, sans aucun galon, allant prendre une place qui n’était pas la sienne…
3 février 1915 : funérailles
Le lendemain, des funérailles imposantes sont organisées pour rendre hommage au lieutenant-colonel Dayet. Le général Claret de la Touche, commandant la 41e division, est présent et félicite en personne l’équipe qui a réalisé l’exploit :
Funérailles imposantes à Saint-Jean d’Ormont. Nouvelles félicitations du Général Claret de la Touche devant les officiers des deux régiments … Je rentre à la Pêcherie.
Les suites de l’affaire
La mort du lieutenant-colonel Dayet marque les hommes du 133e régiment d’infanterie. Ainsi, lors de la reprise de la Fontenelle en juillet 1915, c’est au cri de « Dayet, Dayet ! » que les soldats passent à l’assaut. Plus tard, en 1917, lors des mutineries qui touchent l’unité, le général Bulot qui tente de parler avec les mutins se voit molester et arracher ses insignes, en étant traité de « buveur de sang ». Sa responsabilité dans l’affaire du 27 janvier 1915 n’a pas été oubliée.
A plus court terme, l’échec de l’attaque affaiblit le dispositif français dont vont profiter les Allemands. Ils lancent le 9 février une contre-attaque qui leur permet de pénétrer dans les lignes françaises. Le bataillon Barberot installé sur l’Ormont va glisser sur le secteur de la cote 627 et son chef, à qui on confie la responsabilité du secteur, lutter mètre par mètre jusqu’à la fin du mois de mars pour reconsolider les positions et stopper l’avance allemande.
Pluie de récompenses pour Seurre
L’exploit de Seurre lui permet de passer aussitôt caporal, et Joffre lui confère la prestigieuse médaille militaire le 6 mars 1915 avec la citation suivante :
« Seurre (P-M), n° Mle 7954, caporal au 133e rég. d’infanterie : a exposé courageusement et volontairement sa vie en allant, à quelques mètres des tranchées allemandes, reprendre le corps de son colonel. Pendant deux jours consécutifs, a renouvelé trois fois sa tentative pleine de danger, sous les balles ennemies, malgré le clair de lune et un froid très vif. A pleinement réussi. »
Journal Officiel
L’exploit va bien au delà des frontières, et le Tsar Nicolas II lui défère la Croix de St Georges de 1ère classe en or.
Le soldat Joseph-Laurent Fenix, dans son Histoire passionnante de la vie d’un petit ramoneur savoyard écrit par lui-même, note quant à lui que tout cela est gratifié d’une grosse permission et d’une prime !
Mutilé à Metzeral
Le nouvellement promu caporal Seurre retrouve son bataillon. Il est engagé avec lui dans l’offensive de Metzeral en juin 1915. Le 1er et 2nd bataillon du 133e RI sont amenés initialement pour des travaux de terrassements, eux qu’on nomme le « régiment sapeur ». Paul Seurre participe avec l’ensemble des hommes de son régiment aux travaux de préparation pour l’assaut de la cote 830, sous les tirs des Allemands. Ces travaux coutent chaque jour blessés et morts dans les rangs des Français, comme le soldat Comte le 7 juin (voir son témoignage sur les combats des cols des Journaux ici). Le 12 juin, il est nommé sergent. Le lendemain 13 juin, deux jours avant l’attaque victorieuse, et alors qu’il participe lui même à ses travaux, il est touché d’une balle, grièvement blessé, évacué et finalement amputé de sa jambe droite au tiers supérieur de sa cuisse. Pour lui, les combats sont finis.
Il reçoit une citation à l’ordre de l’armée le 17 septembre 1915, ce qui lui donne la croix de guerre avec palme :
SEURRE (Paul), sergent au 133e rég. d’infanterie, mle 7594 : déjà médaillé pour son courage et sa superbe conduite, a fait preuve des plus belles qualités militaires en dirigeant l’exécution de travaux d’approche destinés à faciliter une attaque dans un terrain difficile ; a été grièvement blessé.
Journal officiel
Retour à la vie civile
Déclaré invalide, le sergent Seurre est progressivement libéré. Il bénéficie d’une pension dès janvier 1916. Le 28 février 1918, il se marie avec Marguerite Berberat et reprend probablement son activité professionnelle. On le retrouve « industriel » dans divers dossiers, ce qui laisse penser qu’il a sa propre entreprise.
La blessure se rappelle en permanence à lui. Outre son amputation à la cuisse droite, son autre jambe le fait terriblement souffrir. Il repasse à plusieurs reprises devant la commission de réforme pour une révision de sa pension, en 1921 puis en 1925. La douleur l’accompagnera jusqu’à la fin de sa vie et on retrouve des traces sur son dossier jusque dans les années ’60.
En 1923, il reçoit la légion d’honneur. La mention dans le le journal officiel comporte des erreurs (année de sa blessure, mention de la médaille militaire alors qu’il s’agit de la légion d’honneur) :
Seurre (Paul-Marius), mle 7954, sergent à la 8e compagnie du 133e rég. d’infanterie. Titres exceptionnels : déjà médaillé pour son courage et sa superbe conduite, a fait preuve des plus belles qualités militaires, le 17 juin 1916 [date erronée], en exécutant des travaux d’approche destinés à faciliter une attaque dans un terrain difficile. A été très grièvement blessé au cours de sa mission. Amputé de la jambe droite. A déjà reçu la Croix de guerre.
Journal officiel
La grande dépression de 1929 frappe la France deux ans plus tard. L’activité de Seurre est touchée. Le 19 juillet 1932, il est déclaré en état de faillite par le tribunal de commerce de Lyon.
Engagement dans la résistance
Pendant la deuxième guerre mondiale, Seurre rejoint les forces françaises combattantes (la résistance) en qualité de P2 (c’est à dire pleinement engagé contre les Allemands et soumis la discipline militaire), et ce dès 1943. Dans son réseau (« Pernod Simmoneau »), il est en charge de la collecte et transmissions d’informations. Dans la résistance, il est sous-lieutenant puis termine capitaine. Il reprendra son grade de sergent sur son dossier militaire après la guerre, les grades acquis dans la résistance n’étant souvent pas conservés. Il est décoré de la Croix de Guerre 39/45.
L’après-guerre
Le 23 septembre 1947, il est nommé officier de la légion d’honneur en lien avec son rôle dans la résistance. Paul Seurre qui réside toujours à Lyon divorce fin 1949, et se remarie 6 mois plus tard avec Marie Müller. Il est nommé commandeur de la légion d’honneur le 3 juillet 1960 et la reçoit des mains du général Joseph Lelaquet (1895 -1968), ancien commandant des FFI dans le Var en 1944. Il continue de suivre attentivement les versements rattachés à sa légion d’honneur, peut être un signe d’une situation financière difficile. Il fréquente aussi l’amicale du 133e RI à différentes réunions.
Il décède à Lyon le 5 avril 1972.
Il ne semble pas avoir eu d’enfants. Et surtout, malgré son exploit, il a été très difficile de trouver une photo de lui soldat, même dans le fonds de Joseph Saint-Pierre avec qui il avait pourtant réalisé sa prouesse. Ce n’est qu’après la publication de l’article que la photo au-dessus datant de 1964 a été transmise par le lieutenant-colonel Pierret (président de l’amicale du 133e RI). Si un des lecteurs de cet article trouve d’autres clichés, je serai heureux de l’ajouter au parcours de cet incroyable soldat associé à la figure de Dayet.
Bonjour à toutes et tous. Pour compléter cet excellent article de Philippe van Mastrigt, mais aussi pour confronter les Mémoires, nous vous informons que dans les artefacts détenus dans les collections militaires de la Société Philomatique Vosgienne sont conservés les deux crochets visibles sur la photo jointe. La mémoire attachée à ses objets, transmis par le détenteur qui les as versés à la Philo il y a de nombreuses années, est que ces deux crochets ont été utilisés par les soldats pour récupérer le corps de Dayet. Ils provenaient de la boucherie d’Hurbache où ils avaient été prélevés pour cette « récupération » puis conservés dans la famille du donateur avant d’être remis à Jean-Claude Fombaron munis de leur Histoire. Elle est tout à fait probable étant donné le travail de forge des objets, leur datation et le caractère local des donateurs. Yann Prouillet, directeur de la commission Temps de Guerre de la Société Philomatique Vosgienne
Bonjour Yann, un grand merci pour ce complément. Incroyable d’avoir récupéré ces crochets rattachés à cet exploit. Je l’ai intégré à l’article. J’espère que nous retrouverons aussi une photo de Seurre, qui manque réellement à cet article.