La Grande Guerre de Joseph et Loys Roux

Le 23e régiment d’infanterie est connu chez certains historiens de la Grande Guerre comme le « régiment des photographes« . En effet, il comporta dans ses rangs plusieurs officiers et soldats qui ont légué à la postérité un nombre considérable de clichés. Citons notamment Frantz Adam, Joseph Saint-Pierre, tous deux médecins, mais aussi les frères Joseph et Loys Roux, infirmiers du régiment et par ailleurs prêtres. Le témoignage de ces derniers paraît aujourd’hui sous forme d’ouvrage.

Loys Roux, seul survivant de la Grande Guerre (son frère est tué à l’Hartmannswillerkopf), a laissé un carnet et un album de photos impressionants qui ont été acquis récemment par les archives du Rhône. On peut d’ailleurs les consulter en ligne : 1914-1915. (rhone.fr). L’ECPAD a pris récemment la très belle initiative de publier dans un très bel ouvrage une sélection de photos et d’extraits commentés, sous le titre La Grande Guerre de Joseph et Loys Roux. En voici la présentation :

Les frères Joseph et Loys Roux — tous deux prêtres et engagés volontaires comme infirmiers dans l’armée française en août 1914 — étaient avant-guerre des photographes amateurs passionnés. Joseph, jusqu’à sa mort au front en décembre 1915, puis Loys, le cadet, ont pris près de deux mille photographies de la Première Guerre mondiale. Pendant les cinquante-deux mois du conflit, Loys a en outre tenu un journal racontant les engagements de son régiment, qui a combattu sur les principaux lieux de bataille du front occidental : Verdun, la Somme, le Chemin des Dames, les Flandres.
À travers les mots et les images des frères Roux, c’est un ensemble de scènes prises sur le vif qui se dessine au fil des pages : la vie des poilus dans les tranchées, le transfert des blessés, l’assaut sur les lignes ennemies pour avancer de quelques centaines de mètres, la reddition de soldats allemands, l’explosion des obus à gaz, la fuite des civils sous les bombardements, la relève des corps auxquels on va donner une sépulture décente, jusqu’à l’entrée en Allemagne, chez l’ennemi vaincu.
Le témoignage des frères Roux offre un regard original et puissant sur la Grande Guerre.


L’ouvrage de 272 pages comporte 200 photos. Il est présenté par Yves Le Maner et Yann Prouillet. Yann qui dirige les éditions Edhisto est bien connu des lecteurs de ce blog, puisqu’il m’a permis de publier mon second ouvrage consacré à Louis de Corcelles et contribue régulièrement par ses commentaires et compléments aux articles (voir notamment l’article consacré au soldat Seurre). Cette publication des carnets de Loys Roux est l’aboutissement d’un projet très ancien puisqu’il l’avait évoqué déjà avec moi en 2015.

Mon avis

Après sa lecture, je ne peux que recommander ce très beau livre. Tout d’abord, les chapitres introductifs des deux auteurs Yves Le Maner et Yann Prouillet, sont d’une très grande qualité. On apprend d’abord le parcours étonnant des carnets, photos et transcriptions de Loys, dont on a retrouvé progressivement plusieurs pièces éparpillées chez des descendants de la famille. Yann Prouillet a été au centre de ce jeu de piste. La découverte de valises avec des documents disparus chez un neveu parti aux Etats-Unis, lors du nettoyage de son garage pendant le COVID, est un rebondissement à peine croyable. L’autre chapitre consacré aux rapports entre Loys Roux et Frantz Adam a été une autre découverte. Bien que dans la même unité, catholiques tous deux et passionnés de photographies, leurs rapports – surtout celui de Loys avec ce supérieur médecin – ont été difficiles. Dans ses carnets, l’infirmier prêtre ne cesse de critiquer ce major, qui avait pourtant un très bonne réputation chez les poilus du 23e RI. Il y a chez Loys Roux une forme de ressentiment que sa condition cléricale n’a pas modérée. Enfin, le dernier chapitre consacré à la technique photographique et la manière de travailler mais aussi de produire et de commercer (les photos sont vendues au Miroir mais aussi aux soldats du régiment) est véritablement passionnant.

Il reste bien entendu les photos de Joseph et de Loys, et elles sont très prenantes. Loys a un vrai coup d’oeil qui sait saisir son sujet. Certaines photos sont d’une très grande esthétique comme la colonne infinie de camions qui fit la une du Miroir, ou bien les Allemands se rendant en courant vers les lignes françaises. Il y a surtout les photos des tués et des morts, français comme allemands, dans toute leur violence mais aussi un souci de ne pas les laisser sombrer dans l’oubli. L’infirmier-prêtre-photographe passe beaucoup de temps à identifier les corps, à leur donner une sépulture et leur offrir un dernier accompagnement spirituel, qu’ils soient allemands ou français. C’est surtout dans ces photos que l’on trouve l’homme de Dieu.

On peut commander l’ouvrage ici : ImagesDéfense – La Grande Guerre de Joseph et Loys Roux (imagesdefense.gouv.fr). On trouvera un communiqué de presse détaillé sur l’ouvrage ici.

A noter qu’au même moment, le site Aleteia publie un hommage aux deux frères à l’occasion du 11 novembre, et le Progrès de Lyon un article consacré au livre.

3 Commentaires

  1. Après réception de l’ouvrage, j’ai complété cet article avec mon propre avis. Et il se résume pour moi à deux mots : remarquable et passionnant.

  2. Bonjour à toutes et tous.
    Plusieurs ouvrages ont été publiés depuis la redécouverte du témoignage de Loys Roux, que d’aucuns, dont je suis, considèrent qu’il s’agit assurément du plus grand témoin de la Grande Guerre. Ce dernier ouvrage publié sous la double haute égide de l’ECPAD et des Archives de Lyon est une étape majeure dans la parfaite appréhension de tout l’apport testimonial que représente le corpus des frères Roux pour l’Histoire. Etape également puisque l’ensemble des milliers de pages et d’images de son auto-encyclopédie mériterait une publication « papier ». Merci Philippe pour cette veille éditoriale. Yann Prouillet

    1. Merci Yann. J’attends avec impatience ma commande pour me plonger dans l’ouvrage.

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