In memoriam

La nouvelle année sera marquée par la disparition de deux personnes liées au commandant Barberot et au 133e régiment d’infanterie. Le 29 décembre 2023 disparaissait Alain Gros, président de la société d’émulation de l’Ain, fils du sous-lieutenant Gros. Le 2 janvier, c’était la disparition de Bernadette Desfrançois, ma propre mère, nièce du commandant Charles Barberot. Deux témoins parmi les derniers qui ont connu ou ont été liés à cette génération des combattants des Vosges et qui suivent la disparition d’Hélène Voiturier, fille du docteur Marius Voiturier, survenue en août 2023.

Alain Gros

Alain Gros est né en 1948. Son père était sous-lieutenant au 133e RI. C’est donc un enfant « tardif » qui naît, lui permettant jeune de fréquenter l’amicale du régiment et les nombreuses réunions qui s’y tenaient entre anciens de la Grande Guerre. Il rencontrera ainsi le général Henry Martin sur lequel il écrira plus tard à la publication de mon article :

J’ai rarement rencontré des généraux faisant preuve d’une simplicité telle que la pratiquait Henry Martin, général de Corps d’armée ! Poignée de main franche, visage souriant, il avait le don de mettre à l’aise ceux qui le rencontraient. Je me souviens qu’il était parfaitement à l’aise avec ses anciens Poilus du 133e R.I, et que ceux-ci lui parlaient avec respect et affection. Un chef d’exception. Il était toujours présent aux congrès annuels du 133e à Belley, et se rendait aux invitations du groupe de Bourg-en-Bresse qui se réunissait à l’hôtel de la Poste, chaque fois qu’il en avait l’occasion… La dernière fois que je l’ai vu, c’était au très réputé restaurant Marion, à Lancrans, au dessus de Bellegarde : il décora ce jour là, Louis Soudan, un Poilu gazé en 1917, Rédacteur du « Souvenir », de la croix de Chevalier de l’Ordre du Mérite national. Louis Soudan devait mourir six mois plus tard

Ce témoignage publié en 2017 montre ô combien Alain Gros avait des souvenirs précis des hommes du 133e RI, et en connaissait les personnalités.

Le sous-lieutenant Gros est le deuxième officier, debout à partir de la gauche. On trouve au premier rang, deuxième à partir de la gauche, le commandant Piébourg. La photo a été prise la veille de la dislocation du régiment en 1917, après les mutineries (source : JL Pierret)

Surveillant au lycée Lalande, puis professeur au lycée Saint-Pierre de 1978 à 2013, Alain Gros était docteur ès lettres et fit sa carrière dans l’enseignement. Président de la Société d’émulation de l’Ain, l’une des plus anciennes sociétés savantes de France, fondée en 1755, il avait la réputation d’un érudit, amoureux des lettres. Son épouse indique d’ailleurs dans un article du Progrès qui est consacré à sa disparition, qu’il est parti avec un roman à la main. Par ailleurs, c’était un « hyperactif », participant à plus de 28 associations, souvent consacrées au patrimoine et à la culture, mais aussi à d’autres domaines comme l’aide aux familles et à la personne, la Caisse d’allocations familiales de l’Ain, l’aide à domicile ou encore auprès du bailleur social Dynacité. Enfin, il était membre de l’Association des Ecrivains Combattants, adhésion qu’il partageait avec moi.

J’ai été contacté par Alain Gros en 2015, quelque temps après la publication de mon premier livre. Il me proposa d’écrire dans la revue « Les Annales de l’Ain » un article sur le 133e RI. Une beau témoignage de confiance et un article sur le 1er bataillon qui sortira peu après. Nous avons eu alors plusieurs échanges tout au long des publications de mon blog, sans avoir pu nous rencontrer de visu. Il voulait publier un article sur Louis de Corcelles après l’édition de mon deuxième ouvrage, et avait un intérêt pour mon article consacré au champion olympique, le lieutenant Henri Edmond Bonnefoy. L’un de ses commentaires qui me toucha le plus fut celui qu’il ajouta à mon récit de découverte de l’Hilsenfirst en 2020 : « Passionnant, et remarquablement bien rédigé ! Merci pour cette belle page ! ». De la part d’un docteur es lettres, cela me fut plutôt agréable.

Ses obsèques ont été célébrées le 5 janvier 2024, à 14h30, à la cocathédrale Notre-Dame-de-l’Annonciation de Bourg-en-Bresse. Toutes mes condoléances à madame Cécile Gros, son épouse ainsi qu’à Jérôme, Émilie, Matthieu, ses enfants.

Bernadette Desfrançois

Le même jour, quasi à la même heure (5 janvier 2024, 15h), furent célébrées les obsèques de Bernadette Desfrançois à l’église de Saint-Martory (Haute-Garonne). Bernadette n’était autre que la nièce du commandant Charles Barberot et ma propre mère. Elle s’est éteinte le 2 janvier 2024.

Ma mère n’avait pas connu le commandant Charles Barberot mais c’est bien par elle que mon intérêt, dès mes jeunes années comme je l’avais raconté dans mon introduction du livre consacré à mon grand-oncle, avait été stimulé. Elle était intarissable quand elle parlait de la famille, et avait conservé de très nombreux documents. Après la publication de mon livre puis la localisation de la tombe du commandant, elle en finança la remise en état, comme elle le fit aussi pour son inscription à l’église de l’Emm que je lui avais suggérée. Lors de la publication de mon deuxième ouvrage, elle m’accompagna pour un weekend lors de ma séance de dédicace à la cote 627. Elle put ainsi, dans le cadre d’un « Barberot tour », visiter les différents lieux liés à son oncle. Elle en revint ravie.

Bernadette Desfrançois à l’église de l’Emm le 24 juin 2018 pour voir l’inscription de son oncle, le commandant Barberot.

Mon hommage prononcé à son décès

Elle était née le 13 octobre 1931 à Boulogne-sur-Mer, où son père, magistrat, était en poste. Elle fut l’enfant qu’on n’attendait plus. Ses parents s’étaient rencontrés en 1916 dans un hôpital militaire à Paris, sa mère Isabelle Barberot, infirmière volontaire et son père, Florian Desfrançois, engagé volontaire en août 1914, promu officier au front au sein du 404e RI, grièvement blessé le 13 juin 1916, amputé. Ils se marièrent en 1917 et eurent une fille, Anne-Marie, en 1918, sa grande sœur. Partis en Indochine (Florian Desfrançois était juge colonial, formé pour la Cochinchine), elle y décéda de la malaria en 1920. Ensuite, plus rien pendant près de 10 ans jusqu’à cette naissance qu’on n’espérait plus.

Son père, Florian, était né à Saint-Martory, très ancien bourg du Comminges, dont sa mère était originaire (son père était de Servance, en Haute-Saône). Sa famille y habitait depuis plusieurs siècles, donnant un collecteur d’impôt, un membre du parlement de Toulouse, quatre prêtres dont un curé réfractaire à la révolution française, un pharmacien, des négociants de blé et à Martres-Tolosane, des faïenciers.

Sa mère, Isabelle Barberot, était née rue de l’Ouest, dans le 14e arrondissement de Paris. Petite dernière, un peu inattendue elle aussi (sa mère avait 42 ans, son père 53) et seule fille après quatre fils, elle avait reçu une éducation libérale, qui trancha avec celle de ses frères Alphonse (ingénieur de Centrale), Charles (Saint-Cyrien) et Philippe (école navale). Elle était la marraine de son neveu, le futur compagnon de la Libération Roger Barberot.

Baptisée à la cathédrale de Boulogne-sur-Mer, où ses parents poseront un ex-voto en remerciement d’une guérison alors qu’elle était tombée gravement malade, Bernadette passa ses premières années dans ce port du Nord. La guerre de 1940 sera une rupture. Lors de l’offensive allemande, elle partit quelques jours sur les routes pour échapper à la bataille de Boulogne. Après la défaite, sa mère l’amena à Paris pour échapper aux bombardements anglais du port. Elle y fut scolarisée à Notre Dame de Sion. Les bombes de la gare Montparnasse située non loin de là où elle habitait la poussèrent à nouveau avec sa mère à se réfugier plus loin, à Saint-Martory. Elle y resta deux ans, avec son lot d’épreuves. Il y a quelques années, elle avait raconté quelques souvenirs de Saint-Martory pendant la guerre dans un film de Louis Durran, « A Caminar », consacré aux évadés par l’Espagne (minute 31:20)

Retournée à Paris en 1945, elle poursuivit sa scolarité à Sainte-Marie de Neuilly, et fit partie du scoutisme au sein des Guides de France. Elle obtint son bac et souhaita devenir médecin. Mais elle échoua en 1ère année. Elle poursuivit alors une licence de droit.

Elle rencontra son mari juste avant la mort du sien, en 1956. Ils se marièrent en 1957 et déménagèrent aux Pays-Bas. Ce fut sans conteste un choc culturel. Elle aura 6 enfants, remplissant son vœu d’une famille nombreuse, elle qui souffrit d’être enfant unique. Ses enfants, petits-enfants et arrière-petite-fille seront sa fierté.

Elle revint en France en 1979 et travailla comme employée de banque. Elle adhèra à la CFTC (Confédération des Travailleurs Chrétiens) et en devint une permanente syndicale. Ce fut l’activité professionnelle qui la combla le plus.

Retraitée en 1992, elle s’installa à nouveau à Saint-Martory et, après la mort de son 2e conjoint en 2005, aménagea à nouveau dans dans la maison familiale. Nous y avons fêté il y a deux ans ses 90 ans.

Il y a sept mois, maman a eu un accident qui l’a amené à l’hôpital. Pour les médecins, elle ne reviendrait plus à la maison. Mais ce n’était pas son projet. Et avec sa volonté et aussi notre aide, elle y est revenue, remplissant son vœu le plus cher : y terminer ses jours.

2 Commentaires

  1. BUZELINdit:

    Veuillez agréer l’expression de mes condoléances les plus sincères.
    Jean-Marie BUZELIN
    buzelin.jean-marie@orange.fr

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