La visibilité de mon blog réserve parfois de très bonnes surprises. J’ai ainsi été contacté par un technicien de l’IGN, travaillant sur les champs de bataille des Vosges. Il m’a transmis des photographies aériennes récentes de la cote 830, du collet du Linge, de la Fontenelle et de son secteur, ainsi que de l’Hilsenfirst, toutes retravaillées avec une technologie découvrant la topographie de manière inédite sous le couvert forestier. On y voit clairement les traces des tranchées et des bombardements. Il m’a autorisé à les partager.
La technique IGN utilisée pour les clichés
Pour réaliser les photos, l’IGN recourt à la technologie LiDAR HD, dont le principe est la télédétection en utilisant des faisceaux laser pour mesurer des distances et des mouvements précis en temps réel.
Son fonctionnement est le suivant :
- Émission d’impulsions laser : Un scanner laser émet des impulsions rapides de lumière infrarouge.
- Réflexion de la lumière : Ces impulsions rebondissent sur les objets environnants et retournent au capteur LiDAR.
- Mesure du temps de vol : Le capteur mesure le temps que met chaque impulsion pour revenir, ce qui permet de calculer la distance parcourue.
- Création d’un nuage de points : En répétant ce processus sur une grande zone, on obtient un nuage de points LiDAR, qui peut être transformé en cartes 3D détaillées.
Le LiDAR est utilisé dans de nombreux domaines, notamment pour la cartographie topographique mais aussi la modélisation 3D.
Dans son cas, l’IGN a utilisé spécifiquement cette technique pour fournir une cartographie 3D de l’ensemble du sol, qui passe par un retraitement complexe des nuages de points obtenus. Dans le cas présent, le traitement s’est concentré sur différents champs de bataille, permettant de visualiser aujourd’hui les traces des anciennes tranchées et des impacts d’artillerie. Une visualisation très utile lors des visites des champs de bataille aujourd’hui.
Voyons ce qui reste de traces dans les différents secteurs.
La cote 830
Ces deux clichés se concentrent sur la cote 830, cette position allemande verrouillant l’accès à Metzeral et Munster, et qui fut prise par le 1er bataillon le 15 juin 1915 (voir aussi le récit de Louis Chevrier de Corcelles).
Mon contact à l’IGN me précise par ailleurs que la cote actuelle du site n’est plus de 830 mètres, mais plutôt 837 mètres. Et effectivement, l’intensité des tirs d’artillerie à l’époque avait durablement modifié la topographie.
En agrandissant la photo de droite, on peut très bien voir la première tranchée allemande, l’ouvrage défensif qui est probablement le blockhaus mentionné dans les récits, ainsi que les traces des impacts d’obus. Lors de ma venue sur place en 2015, j’avais eu du mal à trouver le site, mais j’avais pu observer en surface ces mêmes traces. Avec ce cliché, une prochaine visite sera bien plus facile.
L’Hilsenfirst
A ma demande, mon contact m’a aussi fourni une photographie retraitée de l’Hilsenfirst, un champ de bataille que j’avais pu visiter pendant une journée complète avec Eric Mansuy et l’expert Jean Bernard Laplagne en 2020. J’avais publié sur ce blog les nombreuses trouvailles de cette balade (voir ici le premier épisode, et ici le second). Les traces y étaient encore très nombreuses (et dangereuses).
L’agrandissement du sommet montre très bien les traces actuelles des impacts d’obus (et sur place, on les constate aussi très bien, le champ en est constellé), ainsi que la tranchée française. On voit notamment la forme de « chapeau de gendarme » de la tranchée du sommet, dont Barberot parle dans le JMO du 5e BCP.
Le collet du Linge
Les clichés du Linge mettent en évidence les tranchées allemandes, qui ont été conservées avec le classement du champ de bataille après la guerre. On trouve aussi vers le bas les blockhaus visités en 2017 avec Eric Mansuy et Florian Hensel. Quant aux tranchées françaises, on peut penser que le tracé en bas du collet correspond à l’une d’elles. Néanmoins, ces dernières n’ont pas été « muséifiées », pour de multiples raisons et la trace est donc ténue.
La Fontenelle et Gemainfaing
Mon contact à l’IGN m’a donné enfin deux cartes sur le secteur de La Fontenelle. L’une autour de la cote 627, et l’autre un peu plus loin vers Gemainfaing.
Le clichés de la Fontelle montre bien la persistance de très nombreuses traces autour de la cote 627, dont la physionomie a pourtant été bouleversée par la construction de la nécropole. Si on voit le chemin qui a été créé autour pour la mise en valeur du site, on peut aussi voir d’autres traces au delà de la route, au nord, ainsi que dans le bois qui longe la route d’accès à la nécropole.
Pour Gemainfang, qui fut conquis par le bataillon Barberot en septembre 1914, et transformé en position française, on peut aussi repérer les traces de ce qui a dû être des tranchées. Une exploration sur place que je n’ai jamais faite à ce jour pourra confirmer ce qui en réellement visible.
En conclusion, voici de beaux clichés dont l’utilité sera mise à contribution lors de prochaines visites sur place. Un grand merci à mon contact qui m’a permis de les partager.
Un exemple d’exploitation de la technique
Suite à la publication de l’article, monsieur Pierre-Marie David, un fidèle abonné du blog, m’a indiqué utiliser depuis longtemps avec ses collègues la technique pour leurs recherches naturalistes et archéologiques. En illustration, il m’a donné ce cliché du Hohneck sur laquelle on distingue un fossé signalé déjà au XVe siècle, une redoute lorraine de la Guerre de Trente Ans, des tranchées et trous d’obus 14/18.
Sur la base de cette photo, Pierre-Marie David a publié avec Alain Fouchet et l’aide Christine Grandidier pour la relecture et la mise en page, un article dans l’annuaire 2022 de la Société d’Histoire du Val et de la Vallée de Munster (page 15 à 22). Il m’en a transmis une copie en me permettant de le mettre à disposition dans cet article. Un bel exemple d’utilisation des traces pour remonter à 1915.
Suite à un message de monsieur Pierre-Marie David, j’ai ajouté à l’article une section illustrant l’utilisation de la photographie pour remonter ensuite la mettre en lien avec les sources historiques. Un travail passionnant.
L’archéologie en général peut désormais faire des progrès remarquables avec la technologie LIDAR et les lieux de la grande guerre peuvent en bénéficier.
Les données numériques sont accessibles à tous, à condition de maîtriser leur usage.
Merci Bernard pour cette précision.
Bonjour Philippe van Mastrigt,
Tout simplement extraordinaire de pouvoir « retracer » les combats de ces lieux. Et particulièrement ceux de l’Hilsenfirst (5eBCP) . Merci au personnel de l’IGN.
Jean-François RECEVEUR
Bonjour monsieur Receveur,
oui cette carte de l’Hilsenfirst est à réutiliser le jour d’une autre visite, si on recherche les traces aujourd’hui.
Je transmets à l’IGN vos remerciements.