(suite de l’épisode 2 – Cote 627 – La Fontenelle)
Après la visite du site de La Fontenelle, je pars en direction du deuxième site tant mentionné par le commandant Barberot dans ses courriers : le Spitzemberg et la montagne de l’Ormont. Il occupera cette zone, après la cote 627, pendant plusieurs mois, et y procédera à de nombreux aménagements. Ses courriers décrivent en détail la position qu’il aménage. Il mentionnera peu de combats, seulement des échanges de tirs.
Sur la route, je croise le hameau de Gemainfaing. Sur ce site aussi, le 133e RI et le bataillon Barberot ont effectué de longs aménagements en septembre/octobre 1914. Le guide Michelin indique que le vieux village est resté en ruïne. Je le recherche donc, mais ne croise que de nouvelles maisons et une grande ferme. Seul une bâtisse ancienne sans toit, que côtoie une maison plus récente peut être vu. Mais est-ce bien une ruïne de 1914-1918 ?
Le paysage de la route qui mène au col d’Hermanpaire change radicalement avec celui autour de La Fontenelle. Une belle forêt de sapins s’étend des deux côtés. Je prends le temps de regarder, ce qui me donnera l’impression avec le changement de paysage, d’être assez loin du site de la cote 627. Ce n’est pas totalement faux, puisque le commandant Barberot se considére comme « excentré » avec son bataillon, par rapport au régiment. Mais la distance n’est en fait que de quelques kilomètres (environ 7 km).
Arrivé au col d’Hermanpaire, un route part vers le Spitzemberg vers la droite. On est ici à l’ancienne frontière, et une borne est encore présente près de la route. Le guide Michelin indique que le col avait été conquis en septembre 1914. Pourtant, près du col, un chemin mène vers une ancienne tranchée et un blockhaus allemand, enterré. L’ouverture indique bien que le front était devant. J’essaie de repérer l’intérieur de l’ouvrage, mais mieux vaut ne pas s’aventurer dedans. Il a dû probablement s’enfoncer dans le sol, ou bien est-ce seulement la toponymie des tranchées qui explique que l’ouvrage soit si bas.
En montant vers le Spitzemberg, on croise en bord de route un second ouvrage bétonné. La date de 1915 y est inscrite, et son orientation vers le haut de la montagne ne fait aucun doute pour moi: l’ouvrage doit encore être allemand. La ligne de front devait passer par ici, et les français devaient disposer de positions situées au dessus. L’ouvrage montre à l’intérieur trois embrasures, à hauteur des épaules, orientées vers le haut (en direction des français qui se trouvaient sur la pente). Était-ce une mitrailleuse qui était installée là ? Je me remémore le courrier envoyé à sa soeur, où le commandant Barberot décrit un tir massif sur une mitrailleuse allemande qui s’était dévoilée :
…nous avons dû tout démolir, pièces et Boches, car toutes nos balles entraient dans le créneau, or notre projectile ricoche de tous côtés. Imagines tu la danse effrayante de 600 petits projectiles dans un abri tassé de 2*3*2.
Je poursuis la route vers le haut et m’arrête comme indiqué dans le guide Michelin, à l’auberge du Spitzemberg. La nouvelle propriétaire de l’auberge, en cours de réouverture après une fermeture de deux ans, m’ouvre et m’indique gentiment l’accès au site où se trouve le monument du 152 régiment d’infanterie. Il y a encore peu une cérémonie venait d’avoir lieu. Arrivé au bout de la route, une vue magnifique s’offre à moi sur toute la vallée. Une fois de plus, l’impression est trompeuse car on pense naturellement que les allemands sont « devant », c’est à dire dans la vallée. D’autant plus que le commandant Barberot décrit dans ses courriers la vue qu’il avait sur la région d’en haut, et notamment Saales et la terre d’Alsace.
Pour accéder au piton, un chemin est aménagé. Le 152e RI est à l’honneur, ce régiment qui avait conquis le site en septembre 1914 après de furieux combats. Un panneau indique un autre chemin, vers des tombes, mais il est un peu éloigné. Il suscite mon intérêt, car le commandant Barberot parlait dans ses courriers du cimetière qu’il avait aménagé. Est-ce cela ? En attendant, je monte sur le site où se trouvait autrefois un château-fort moyenâgeux. Au bout, le monument à la gloire du 15-2, et sur les côtés plusieurs ouvrages défensifs qui sont restés en bon état. Les arbres ont repris leurs droits, et il est difficile d’observer la région à partir de cet endroit. Les allemands étaient quant à eux au contre-bois de la pente. Qui est l’auteur de ces fortifications ? Est-ce Barberot, où d’autres régiments ? Ont-ils utilisé les pierres de l’ancien château-fort ? Difficile de répondre à ces questions, il aurait fallu être accompagné d’un « expert »…
Je profite de l’endroit pour relire les courriers du commandant et je cherche à retrouver la vue qu’il décrit. Et me retrouve à nouveau piégé par les orientations, quand il indique qu’il a été déplacé dans l’Ormont à gauche du Spitzemberg. Machinalement, je prends cette « gauche » en regardant vers la vallée, alors que c’est dans l’autre sens. Je m’en apercevrai au retour de mon parcours.
En attendant, l’accès à cette zone ne semble pas possible. Je pense donc partir (le temps presse), mais me résous finalement à aller sur le site de la Roche d’Ormont, que le Michelin signale comme étant fort intéressant. Un échelle-observatoire y avait été construit par les français en 1918, au niveau de la tête de Raves. La date de 1918 éloigne de moi tout rapprochement avec le ce commandant Barberot. Pourtant, c’est probablement sur ce site qu’il était installé pour une grande partie du temps.
Sur le bord de la route qui mène à la Roche d’Ormont, dans les bois de sapin, un panneau indique à nouveau un sentier menant vers « les tombes ». Est-ce le cimetière aménagé par le 1er bataillon ? Je me décide à y aller. En marchant dans les sapins, je retrouve l’ambiance de quelques photos de 1915. Les sapins sont longs et fins, tout en laissant passer la lumière. Les soldats devaient avoir aménagé les flancs à l’abri des lignes allemandes, mais je ne parviens pas à en distinguer les traces. Arrivés au niveau des tombes, je dois me rendre à l’évidence. Il ne s’agit pas du cimetière de l’époque, qui a dû être provisoire et ramené vers l’une des nécropoles à la fin de la guerre. Un panneau indique simplement qu’il y avait là d’anciennes tombes, remises en place en 2003. Faute de détails dans le guide Michelin (qui n’en parle pas), je ne peux que faire des suppositions.
Je reprends la route et j’arrive enfin à la Roche d’Ormont, où à nouveau un très beau panorama s’offre aux randonneurs et cyclistes. Je n’aurai pas la curiosité (surtout le temps) de monter à l’observatoire. Dommage, car c’est probablement le site aménagé dès 1915 par le 1er bataillon du 133e RI. Ce sera pour une prochaine visite…
A partir de ce second point, on peut bien voir le Spitzemberg. Et on comprend que les français disposaient ici d’une ligne d’observatoires stratégiques. Je recherche les différents lieux de la guerre de 1915, notamment la cote 627, mais sans jumelles, je n’y arrive point. J’ai aussi toujours cette impression d’éloignement entre l’Ormont et La Fontenelle. Pourtant, Barberot pouvait observer les combats qui s’y déroulaient. Après un temps d’observation, je repars sur la route : direction le col de Journaux puis Metzeral par la route des crêtes…. (à suivre)