Il arrive qu’une erreur introduite dans un livre « de référence » amène par la suite sa diffusion dans tous les ouvrages qui le reprennent comme source. L’ordre du jour qui fut lu avant l’attaque de la cote 830 le 15 juin 1915, en est un exemple.
Rappelons ce texte, aux accents épiques, prononcé avant l’assaut :
Nous avons été placés au poste d’honneur. Nous allons attaquer au milieu de troupes d’élite : les chasseurs alpins. Je sais que vous avez confiance en moi, comme j’ai confiance en vous; je sais que vous avez à maintes reprises déclaré que vous me suivriez partout où je vous conduirais. C’est le moment de tenir votre parole. C’est le moment de montrer aux chasseurs que nous les valons largement. C’est le moment de penser au pays et de marcher sans hésiter pour son indépendance et pour sa gloire.
En lisant l’ouvrage La bataille des Hautes-Vosges: février–octobre 1915 (considéré comme un « basique »), le général Armau de Pouydraguin l’attribue au lieutenant-colonel Baudrand. Or je dispose de l’ordre d’attaque détaillé du commandant Barberot, pour cette journée. Et l’ordre du jour est bien rédigé de sa main, en annexe. Je précise donc l’erreur en note bas de page dans mon ouvrage.
Pourtant, la source est reprise, de toute bonne foi par d’autres ouvrages. Par exemple, dans La Bataille de Metzeral d’Eddy Trappler (à qui j’ai amicalement indiqué qu’il s’agissait pour moi d’une erreur), ou bien dans Charles Vuillermet, Carnets et dessins d’un officier savoyard dans la Grande Guerre, de Michel Perrier.
En revanche, Daniel Roess l’attribue bien au commandant Barberot, dans son ouvrage Hautes-Vosges 1914-1918.
Pris d’un doute, j’ai voulu néanmoins vérifier qu’il ne s’agissait pas d’une erreur de ma part. Car le commandant Barberot aurait pu simplement reprendre sur son ordre d’attaque le texte du lieutenant-colonel Baudrand.
Une première vérification est faite dans l’Historique du 133e RI. Celui-ci l’attribue bien au commandant:
La position ennemie, qui au milieu s’avançait en saillant dans nos lignes, comptait trois énormes lignes de tranchées, prolongées par d’épais murs en sacs à terre et défendues par trois flanquements de mitrailleuses ainsi que par des abris étayés avec des rails. Mais le commandant Barberot avait confiance et comptait sur son bataillon. «Nous avons été placés au poste d’honneur, dit-il dans son ordre du jour précédant l’assaut. Nous allons attaquer au milieu de troupes d’élite : les chasseurs alpins. Je sais que vous avez confiance en moi, comme j’ai confiance en vous; je sais que vous avez à maintes reprises déclaré que vous me suivriez partout où je vous conduirais. C’est le moment de tenir votre parole. C’est le moment de montrer aux chasseurs que nous les valons largement. C’est le moment de penser au pays et de marcher sans hésiter pour son indépendance et pour sa gloire.»
Une deuxième vérification dans le Journal de Marche, lui, ne donne rien. Aucune allusion n’y est faite. En revanche, un journal isolé, celui de la 1ère compagnie, contient bien cet ordre du jour. Et il l’attribue lui aussi au commandant Barberot.
Pour moi, il n’y a donc pas de doute. L’auteur de ces lignes c’est bien lui…