10 questions qui cherchent une réponse (ou l’ont presque trouvée)

A plusieurs reprises dans ce blog, j’ai abordé des poins que je souhaitais éclaircir ou approfondir. Citons : (1) la recherche de la sépulture du commandant (2) le devenir du minenwerfer de la cote 830 (3) la localisation du camp Barberot. Il est vrai qu’au fur et à mesure de l’écriture, de la relecture et des visites, les interrogations ne manquent pas et il est souvent judicieux de les noter. Dans la plupart des cas, les explorer permet de renouveler, voire modifier le regard qu’on a pu avoir sur certains épisodes, et comprendre d’un œil nouveau certains événements. Voici 10 questions que j’ai notées depuis plusieurs mois, et pour lesquelles j’ai une réponse partielle, totale ou non.

Amis lecteurs de ce blog, si vous avez des éléments ou des pistes, surtout n’hésitez pas à commenter ou communiquer sur cet article en réponse (ou par courriel) ! Je publierai au fur et à mesure des articles quant à leur avancement. Une question « bonus » termine cet article. 

1. Que sont devenus les écrits du commandant ?

Voici une question qui intéresse de nombreuses personnes. Dans une discussion récente, Yann Prouillet m’exprimait le regret que les courriers disponibles ne soient pas plus nombreux. On sait pourtant que le commandant écrivait énormément, avant guerre autant que pendant le conflit. Soit sous forme de notes et d’analyses, soit des courriers quasi quotidiens envoyés à sa femme, et à sa famille. Je dispose des courriers adressés à sa soeur et ses parents (en tout cas, une partie, car il n’est pas certain que j’en ai l’exhaustivité). Ils sont publiés dans mon ouvrage. Dans certains des courriers, il mentionne sa priorité à son épouse :

Je suis très content que tu aies pu lire la lettre que j’envoyais à Philippeet vous êtes jalouxc’est que malgré quelques repos je n’ai pas toujours le temps d’écrire et puis il faut contenter tout le monde et particulièrementtu le comprendssa femme.

J’écris donc presque tous les jours à Alice et je lui donne les tuyaux intéressants de sorte qu’après avoir pondu et pondu à celui-ci à celui-là, j’arrive à un énorme courrier dont on peut à peine s’imaginer l’importance.

Mais il écrit aussi autrement que des courriers, et ce depuis ses débuts dans la carrière militaire . Il a aussi publié avant la guerre ses travaux de tactique, qui ont certainement donné lieu à des écrits personnels préparatoires. En 1925, les Carnets de la Sabretache publient ses écrits de la période Malgache. Le commandant Henry Martin (officier du 133e RI, futur général), écrit en préface :

Parmi les nombreux écrits qu’il a laissés et qui montrent comment nos officiers d’avant la guerre se préparaient à remplir leur tâche de chef…

La question est donc de savoir si ces écrits nombreux (carnets, lettres…) ont survécu, alors qu’il n’a pas de descendants directs.

2. Où se trouve exactement le lieu de décès du commandant Barberot ?

Si le lieu est connu – le Linge – peut-on déterminer exactement le lieu de sa mort ? Une question sur laquelle j’avais échangé avec l’un de mes lecteurs, Eric Babilon, qui est aussi guide bénévole sur le champ de bataille. Un échange récent avec Eric Mansuy, qui m’a fourni une carte avec l’emplacement des unités en 1915 (non daté), devrait me permettre de localiser le lieu exact où il fut touché par un éclat d’obus.

3. Pourquoi n’a-t-on pas de photos du commandant après Metzeral ?

Ma collection photographique du commandant s’arrête chronologiquement avec la photo de la cote 830, publiée dans le Miroir mais aussi dans l’historique du 133e RI. Après, il n’y a plus rien. Pas de photo de sa remise de Croix de Guerre, ou de celles qu’il remet à ses hommes (notamment le capitaine Cornet-Auquier). Pas de photo des combats de l’Hilsenfirst, ou de la période de repos et d’entraînement qui suit. Enfin, pas de traces photographiques pour les combats du Linge. Existe-t-il des photos ? Sans doute, car les appareils étaient répandus, notamment parmi les officiers. Une personne m’avait affirmé que certaines avaient été publiées dans une revue locale (S’Lindeblätt) mais l’acquisition d’un numéro consacré au commandant Colardelle et du 5e BCP ne m’a pas permis d’en trouver.

4. Quelles étaient les relations entre le commandant Barberot et le lieutenant-colonel Baudrand ?

Si le commandant écrit dans ses courriers sur le lieutenant-colonel Dayet et de manière très positive, on ne retrouve pas de trace  sur sa relation avec son nouveau chef, le lieutenant-colonel Baudrand ? Il n’y a pas non plus d’éléments dans l’historique du 133e RI à ce sujet. La relation était-elle bonne ? Baudrand commandait avant sa nomination le 2e bataillon. Il avait dû être capitaine en même temps que Barberot. Ce qui est certain est que Barberot était considéré comme « capable », puisqu’il est nommé pour contrer les Allemands à La Fontenelle le 9 février, puis prendre le commandant le secteur devant la cote 830 (le lieutenant-colonel Baudrand est lui aussi détaché). Il assure aussi l’interim du régiment pendant l’absence en avril. Pourtant, il me reste une intuition que cette relation devait rester froide. Un travail à approfondir par une plus grande introspection sur le profil du lieutenant-colonel et les écrits.

5. De quel régiment le commandant Barberot est-il pendant 3 heures le chef de corps ?

Dans un courrier où il annonce sa nomination à la tête du 5e BCP, le commandant indique que pendant quelques heures, il avait été nommé à la tête d’un régiment :

J’ai su depuis peu que j’avais eu le commandement d’un régiment pendant 3 heures, mais qu’en raison de mon extrême jeunesse on avait préféré me donner un bataillon de chasseurs.

Quel est ce régiment ? Un travail d’identification qui devrait être possible si on parvient à croiser trouver les régiments qui à cette période étaient dépourvus de chefs.

6. Qui est l’ami d’enfance, chef de la sûreté ?

Un « ami d’enfance » semble avoir été actif dans l’organisation des obsèques du commandant. Dans le journal Le Bugiste, il est écrit :

Ses funérailles ont eu lieu le 10 août, à P . . ., petit village des Vosges, où son corps avait pu être transporté, grâce au dévouement admirable et aux soins pieux d’un ami d’enfance, chef de la Sûreté au Quartier Général de la 7e armée.

Dans les textes du capitaine Cornet-Auquier, le même personnage est cité, avec la même initiale :

L’après-midi, M. M…., chef de la sûreté de l’armée et moi sommes allés à Plainfaing, pour déposer deux couronnes sur la tombe du pauvre cher commandant Barberot…

J’ai cherché à trouver le nom en posant la question sur le forum 14-18. Le terme même de chef de la sûreté a donné lieu à des débats, mais ce fut Eric Mansuy qui réussit à proposer deux noms. Malheureusement, aucun des deux n’a pu être confirmé, et Eric m’a encore récemment indiqué qu’il « séchait ». A suivre.

7. Les chasseurs ont-ils « récupéré » le commandant Barberot ?

Qu’est-ce qui a amené à la nomination du commandant Barberot à la tête d’un bataillon de chasseurs. Comme je l’ai déjà indiqué sur ce blog, une rivalité teintée d’une forme de condescendance semble exister au sein des chasseurs, vis à vis des régiments de ligne. La victoire de la cote 830 est celle du 133e RI et impressionne. Mais Barberot indique qu’ils ne sont pas vraiment les bienvenus. Peu après, il est nommé à la tête d’un bataillon de chasseurs. Ont-il voulu récupérer cet élément brillant ?

8. Que signifient les étrangetés de la rédaction du JMO du 133e RI pendant les combats du col des Journaux ?

Lors d’un parcours dimanche 3 juillet 2016 avec Eric Mansuy, sur la zone du col des Journaux, nous nous interrogions tous deux sur l’écriture du journal de marche du 133e RI et sa rédaction étonnante : des blessés qui ne sont pas signalés (le commandant du 1er bataillon « disparaît » soudainement dans le récit pour être remplacé par Barberot), une écriture séparée entre les événements du 1er bataillon, et le 2e bataillon d’autre part. Cela pose la question de la rédaction de ce journal : qui le rédige ? quand ? A-t-il été réécrit ?

9. Quelles étaient les relations entre le 23e RI et le 133e RI ?

La relation entre les deux régiments « frères » est un sujet qui mérite certainement un approfondissement. A plusieurs reprises, les écrits de combattants du 133 montrent une forme de condescendance envers ceux du 23e RI. Ainsi le commandant Barberot écrit-il :

Le 133e descendant sur Krüth était ré-enlevé pour être expédié dans son secteur ; surtout qu’en notre absence le 23e – comme par hasard – s’était laissé stupidement prendre un morceau de 631 (en avant de La Fontenelle).

Yann Prouillet m’a indiqué que le 23e RI n’est pas en reste quant à ses commentaires sur le 133e RI. Pourtant, les régiments sont proches. Tous deux enracinés dans l’Ain, ils combattent côte à côte. Les officiers se fréquentent, et sont mutés d’un régiment vers l’autre. Un étude croisée serait intéressante.

10. Quels sont les textes qui peuvent donner une vision allemande des combats de la Fontenelle ?

C’est une question plus large que je me pose : quelle est la vision des combats autour de la Fontenelle du côté Allemand. Focalisé sur la perspective française, une vision de l’adversaire est toujours riche d’enseignement. Yann Prouillet m’a indiqué un ouvrage, qui n’est actuellement pas traduit. Il y a certainement d’autres éléments…

Je termine par une question « bonus » à laquelle j’ai trouvé une réponse récemment :

11. Pourquoi le commandant Barberot parle-t-il de la cote 631 et non de la cote 627 dans ses courriers ?

Pour ceux qui ont la réponse, n’hésitez pas à la mettre en commentaire de cet article….

2 Commentaires

  1. Auréliedit:

    Bonsoir Monsieur,
    Tout d’abord félicitations pour tout ce travail!
    Mon grand oncle Joseph COTTAREL (23eRI) étant tombé (et disparu) lors de la bataille du 27 janvier 1915, je me suis penchée sur les journaux de marche et effectivement des questions persistent.
    – Tout d’abord celle sur les liens avec le 133e RI, qui m’intéresse vivement.
    – Puis qui sont les rédacteurs des journaux de marche ou du moins, qui oriente leur rédaction, de nombreuses disparités étant visibles . Par exemple, la description de la bataille du 27.01.1915 dans les JdM du 23e est très succincte alors qu’elle est longuement évoqué dans celui du 133e RI.
    – Enfin, la vision allemande serait effectivement très enrichissante.
    Un siècle plus tard, encore bien des champs d’étude à aborder…

    1. Bonsoir,

      sur les liens entre les deux régiments, ils sont très nombreux : géographiques, même brigade, même recrutement. Les hommes d’un régiment, lors d’une promotion, sont parfois muté vers l’autre. Par exemple, le lieutenant-colonel Dayet, ou bien le sergent Louis de Corcelles quand il passe aspirant. A ce sujet, je vais publier sous peu les courriers en version commenté de Louis de Corcelles, qui contient de nombreux détails sur les combats des Vosges, y compris la journée du 27 janvier.

      Sur les rédacteurs des Journaux de Marche, je n’ai pas approfondi, mais il semble que ce soient souvent des adjudants préposés. L’écriture peut être postérieure parfois aux événements, on voit souvent des choses étranges. Tout n’est pas décrit, il y a des omissions (on le voit en comparaison des courriers des soldats).
      Concernant le 23e RI, il y a plusieurs livres de référence, comme celui de Dominique St Pierre. Je suppose que vous avez déjà tout cela ? Sinon, je peux établir/demander une petite liste.

      Bien à vous.

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