Dans les 10 questions qui cherchent une réponse, j’abordais la question de la double appellation de la cote surplombant le village de La Fontenelle. Appelé La Beheu avant 1914, aujourd’hui connue sous le nom de cote 627, on la retrouve comme cote 631 dans les lettres du commandant et dans d’autres documents. Pourquoi ces deux appellations ?
Les écrits de la guerre varient dans leur appellation, utilisant tantôt 627 ou 631. Dans ses courriers, le commandant Barberot utilise systématiquement 631. Par exemple, dans son courrier narrant les événements de février 1915 :
Mais à ce moment, les Boches naturellement aussi, contre-attaquaient, nous reprenaient un élément de tranchées d’ailleurs inutile, mais en outre, alléchés par ce petit succès, se mettaient en devoir de préparer une attaque sur la position même de 631 . Alors on se rappela le bataillon Barberot, qui seul paraît-il était capable de tenir le coup et de l’Ormont on me fit glisser à La Fontenelle 631.
Dans son dossier militaire, on retrouve le commentaire ci-dessous du 14 octobre 1914 :
Parti de Belley avec le régiment le 4 août 1914 comme adjoint major du 1er bataillon. A remplacé le 4 septembre le commandant de son bataillon. S’est fait remarquer depuis cette date dans plusieurs circonstances, notamment le 6 septembre à la reprise du col des Journaux, le 7 septembre à la défense de ce col, le 16 septembre à l’enlèvement de la hauteur 631 (Est de Fontenelle). A organisé très habilement la défense du village de Gemainfaing et surtout celle des hauteurs 631 (Est de Fontenelle). A réussi aussi à faire ramener le 4 octobre dans les lignes françaises un canon allemand et un avant-train français garni de ses munitions. Officier très intelligent, très actif, très brave qui donne les plus belles espérances. Caractère très droit.
Le journal de marche utilise lui aussi « cote 631 », très présent durant les premiers mois (septembre, octobre 1914).
Mais lorsque Joseph Saint-Pierre visite les positions, il écrit dans son carnet publié dans La Grande Guerre entre les Lignes :
Je monte à la cote 627. Visite le blockhaus, les tranchées couvertes . . . épatantes. Le capitaine Barberot a bien travaillé
L’historique du 133e RI utilise lui aussi le terme de cote 627, sauf une seule fois, où il emploie le terme « ouvrage 631 », au début du récit de La Fontenelle.
Enfin, les communiqués officiels (publiés ici sur ce blog), et notamment le récit des sapes de La Fontenelle, utilise le 27 avril 1915 le terme de cote 627 en lien direct avec la carte d’état-major.
Quelle est l’explication ? Véronique Janéaz m’a rapporté celle donnée par un guide :
La semaine dernière j’étais donc dans les Vosges, et mercredi après-midi à la Fontenelle pour une visite guidée. J’ai posé la question à savoir pourquoi on parlait de la cote 631, surtout dans le journal de marche, alors qu’il s’agit de la côte 627. D’après la guide, la côte 631 et 627 est la même, mais tout dépend de l’endroit d’où elle est évoquée… Launois, Ban de Sapt, Saint Jean d’Ormont, etc.. mais par la suite elle est devenue côte 627 pour tous.
C’est récemment que je pense avoir trouvé la véritable explication.
Dans la Revue d’Infanterie du 1er novembre 1923, l’article du chef d’escadron Janet consacré aux combats de La Fontenelle, précise en note de bas de page de l’article consacré aux combats de La Fontenelle que la colline est cotée 631 sur la carte au 1:80 000. Mais plus loin, il précise que la carte au 1:50 000 précise la cote 627.
Ce serait donc une différence entre les cartes au 1:80 000 et 1:50 000 qui explique les deux cotations. Le communiqué officiel du 27 avril le laisse aussi penser. C’est probablement à partir de ces communiqués que la cote 627 a pris le dessus.
Les cartes a 1:80 000 furent établies en France au XIXe siècle pour l’armée, et achevées en 1875. Mais à partir de 1898, l’armée décide un changement d’échelle et lance l’établissement de cartes au 1:50 000, avec l’abandon de la projection Bonne au profit de la projection Lambert issue du tout nouveau système géodésique français NTF (voir l’article wikipedia). Le changement de méthode de projection explique probablement des mesures finales différentes pour un même lieu – 627 au lieu de 631 mètres.
On peut donc penser que la carte 1:80 000 équipait les officiers – dont Barberot – au début de la guerre. Mais que la carte au 1:50 000 s’est imposée par la suite, modifiant en cote 627 la colline de la Fontenelle.
Eric Mansuy m’a communiqué après la première publication de cet article une carte de 1901 de Luneville, où la cote est bien marquée 631.