Fin mars 2015 ont été publiés aux éditions De Taillac les carnets du capitaine Manhès. Carnets remarquables et passionnants, qu’on lit d’une traite. Rappelons que le capitaine Manhès était devenu célèbre lors des combats de l’Hilsenfirst, en juin 2015. Sa compagnie de chasseurs, encerclée par les Allemands, résiste pendant plusieurs jours au sommet avant d’être libérée. Les hommes du capitaine, commandés avec brio, en viennent à lancer des rochers sur les assaillants pour compenser leurs manques de munitions. La presse française reprendra cette image des chasseurs. La compagnie recevra par décision du général de Maud’huy le nom de « compagnie Sidi-Brahim ».
Les carnets des anciens combattants peuvent être inégaux, mais ceux-ci sont passionnants. Le capitaine note son quotidien, mais livre aussi ses réflexions sur la nature humaine, le comportement des ses pairs officiers, de son encadrement, des ses chasseurs, et du commandement français. Beaucoup de calme et de recul alors que les combats sont rudes.
Quelques réflexions qu’il note par exemple sur les opérations en 1915, notamment le décrochage du haut commandement avec la réalité du terrain:
« Une patrouille avec mission précise de combat, comme celle prescrite, c’est une véritable opération qui doit se monter minutieusement et se préparer à l’avance. Du moment qu’on court délibérément à la bagarre, il faut tout faire pour gagner le coup. Ici plus que jamais, l’improvisation est aussi dangereuse qu’absurde et stérile. Tout, dans la petite expérience que j’acquière peu à peu à la guerre le démontre. Mais ce sont des contingences que échappent aux grands chefs et à leur entourage. »
Il écrit aussi :
« Quand les chefs et leurs états-majors finiront-ils par comprendre certaines vérités premières? Quand finiront-ils par voir que l’homme ne’st pas une machine et qu’il faut un minimum de sens psychologique pour le mener. »
Les carnets du capitaine Manhès ne mentionnent pas le commandant Barberot. Les courriers du commandant Barberot non plus, mais cela est plus compréhensible (il évoque surtout ses propres officiers). Ils n’évoluaient pas au même endroits du front. Quand se déroule l’assaut du 1er bataillon du 133e RI de Barberot, à Metzeral le 15 juin 1915, Manhès est engagé depuis le 13 juin dans l’attaque conjointe sur l’Hilsenfirst, où il se retrouve encerclé le soir même. Il n’est dégagé que le 17 juin. Le 18 juin, il participe à une nouvelle attaque et récupère les débris du 5e BCP après là mort de son commandant Colardelle. Mais Manhès est finalement relevé le 22 juin, quand Barberot ne prend en main les restes du 5e bataillon de chasseurs à pied que le 26 juin. Il résiste sur l’Hilsenfirst jusqu’au 3 juillet. Les deux hommes fréquentent parfois les mêmes camps, comme le Breitfirst ou le village de Mittlach, mais se croisent-ils ? Manhès quite le Breitfirst le 26 juin 1915, Barberot y arrive le 4 juillet avec son nouveau bataillon.
Il y a pourtant un parallèle à faire entre lui et le chef de bataillon Barberot. Manhès est le héros de l’Hilsenfirst, Barberot le vainqueur de Metzeral. Les deux sont des entraîneurs d’hommes, et les leurs les auraient suivis au bout du monde. Les deux réfléchissent à la guerre, aux méthodes de combat. Ils sont tous deux des officiers d’active, tous deux des patriotes ardents. Deux différences néanmoins : le grade, qui donne plus de séniorité et de latitude à Barberot (un chef de bataillon est un officier supérieur et le bataillon est souvent engagé de manière autonome), et surtout la mort prématurée du commandant alors que Manhès deviendra général et meurt en 1974.