La publication de l’article sur la reprise de La Fontenelle le 8 juillet 1915, essentiellement un extrait de l’historique du 133e RI, a amené messieurs François et Michel Putz à remarquer l’absence dans le texte du capitaine Joseph Juvanon du Vachat, leur grand-père, commandant la 12e compagnie. Celui-ci fut tué dès le début de l’attaque. Sa mort est seulement évoquée par l’historique du régiment, dans les pertes de la journée, avec d’autres officiers dont le commandant Gauthier, qui n’avait remplacé le commandant Barberot que depuis dix jours.
L’année dernière, le maire de Belley lui rendit hommage, lors de la cérémonie “100 villes – 100 drapeaux 100 héros” à BELLEY. Voici l’extrait, complété et remanié, de son parcours:
Laurent-Joseph Juvanon Du Vachat était ingénieur agronome, ancien conseiller général du canton de Lhuis (1895-1901), ancien maire de Maire de Conand (canton de Saint-Rambert (Ain)) de 1896 à 1912, et né à Belley le 9 août 1868. Après avoir suivi sa scolarité au collège Lamartine, il étudia à l’Institut national agronomique (promotion 1891). Très attaché à sa province, il était l’un des membres les plus assidus de la Société savante Le Bugey. Capitaine de réserve, il se trouvait en 1914 dispensé de toute obligation militaire, mais il demanda à reprendre du service. Il rentra au 133e RI afin de conduire au feu ses compatriotes du Bugey, régiment qu’il rejoignit sur le front en novembre 1914. Après avoir passé huit mois dans les tranchées de Ban-de-Sapt (Vosges), il fut engagé le 8 juillet 1915 dans l’opération de reconquête de la Fontenelle – cote 627.
Ce jour là, une offensive générale fut lancé à 15 heures. Entraîné par son ardeur, le 133e RI partit avant la fin de la préparation d’artillerie, arriva sur les premières tranchées ennemies avec les derniers obus français, enleva une position comprenant plusieurs lignes de tranchées et de casemates, fit prisonnier près de 900 Allemands dont 21 officiers, s’empara d’un butin considérable (canons, mitrailleuses, lance-bombes, fusils…), s’installa sur la position conquise et y défia tous les assauts.
Malheureusement, lors de cette opération, le capitaine Juvanon du Vachat tomba mortellement frappé d’une balle à la tête, au moment où il enlevait sa compagnie pour l’assaut.
La veuve du capitaine reçut le 25 juillet 1915 un courrier du lieutenant-colonel Baudrand, commandant le 133e RI, qui détailla les conditions de sa mort :
Madame,
Permettez-moi de vous apporter les condoléances émues du 133°Régiment pour la perte cruelle, ressentie par tous que vous avez faite en la personne du capitaine du Vachat.
C’est le 8 juillet qu’est tombé ce brillant officier, aimé et estimé de tous ses chefs et camarades, adoré de tous ses soldats, en raison de sa droiture et de sa bravoure calme.
C’est à l’assaut de la position de la Fontenelle, position formidable enlevée aux Allemands par le 133° Régiment, qu’il est tombé en pleine gloire, car la belle attitude de nos soldats, sous les ordres d’officiers tels que votre mari, a valu à notre drapeau la Croix de Guerre décernée jusqu’ici à un nombre tout à fait infime de Régiments.
Le capitaine du Vachat est monté à l’assaut en tête de sa compagnie, calme, impassible, la cigarette aux lèvres. Sa première section arrivant à hauteur de la ligne principale ligne de tranchées ennemies se trouva momentanément arrêtée par un réseau de fils de fer non détruit. Soumis à un violent feu de mousqueterie, subissant des pertes, les soldats commençaient à se coucher.
C’est alors que le capitaine du Vachat, toujours debout en tète, s’élança sur la position, en criant « En avant ! ». Il tomba frappé d’une balle à la tête avec la satisfaction d’avoir vu ses hommes suivre son exemple.
Ce qu’il n’a pas su, malheureusement c’est le triomphe et la gloire de son beau Régiment.
Votre mari, Madame, est enterré dans le cimetière de St Jean d’Ormont, au milieu de ses compagnons d’armes. La photographie que je vous adresse vous montre avec quels soins nous entourons les tombes de nos braves camarades.
L’aissez moi vous dire, Madame, que la disparition du capitaine du Vachat est une véritable perte pour le 133° et veuillez agréer l’expression de mes hommages les plus respectueux.
Je m’incline devant votre douleur.
J BAUDRAND
Lt Colonel Commandant le 133°
Le capitaine reçut la citation suivante à l’ordre de l’armée :
Bien que dégagé d’obligations militaires et père de deux jeunes enfants, a repris volontairement du service le 15 septembre 1914. A rejoint le 133 ème RI comme capitaine de réserve. Est tombé à la tête de sa compagnie le 8 juillet 1915 au combat de La Fontenelle (Vosges) et a été cité à l’ordre de L’Armée .
A l’occasion de cette commémoration, ses deux fiches d’officier ont été indexées sur le site Mémoire des Hommes.
Le 5 juillet 2015, ses trois petits fils François, Michel et Dominique Putz (par ailleurs petit-neveux du général Gabriel Putz, commandant de l’armée des Vosges en 1914 – 1915), ainsi que son arrière-petit fils Charles-Henri assistent cent après, à la commémoration de cette bataille sur les lieux mêmes où il était tombé.