Un de mes lecteurs, Jean-Luc Pont, m’a interrogé sur le parcours de son grand-oncle, Alphonse Janodet, mort de ses blessures à l’hôpital auxiliaire de Saint-Dié le 24 septembre 1914. Comment était-il décédé et où ? Des questions que se posait aussi Véronique Janéaz pour son arrière-grand-père Louis Etienne Janéaz, mort le même jour à La Fontenelle, et pour lequel nous avons finalement réussi à reconstituer le parcours. En hommage à ce combattant, voici les grandes lignes tel que nous avons pu le reconstituer, avec l’aide de Philippe Crozet et Eric Mansuy, et les nombreuses interrogations qui subsistent.
Alphonse Janodet naît le 30 juin 1888 à Saint-Nizier le Bouchoux, petite commune rurale de la Bresse (Ain). Ses parents, François Janodet (41 ans) et Véronique Darbon (31 ans), sont tous deux cultivateurs. Conscrit de la classe 1908, il rejoint le 133e régiment d’infanterie le 7 octobre 1907 pour un service militaire de 2 ans. Il le termine le 24 septembre 1911, et rejoint probablement son père comme cultivateur. Le 2 août 1914, il est mobilisé et rejoint à nouveau le 133e RI. Il effectue probablement toute la campagne d’Alsace, le repli sur les Vosges le 30 août, les combats des Journaux puis est dirigé vers Saint-Dié et engagé au Ban-de-Sapt. Pendant les combats de La Fontenelle, il est blessé et évacué vers l’hôpital auxiliaire de Saint-Dié, aménagé dans l’ancien séminaire, Il y meurt le 24 septembre 1914.
Ce qui a permis de déterminer les lieux où il fut blessé est une citation et la croix de guerre avec étoile de bronze qui lui fut attribuée le 14 mai 1920 au Journal Officiel : peu de détails sauf qu’il est grièvement blessé à La Fontenelle… Mais quand et à quel combat ? Comme pour le caporal Janéaz, on a cherché les indices mais sans succès. Son décès à l’hôpital rend l’enquête plus difficile. Ainsi, sur son acte de décès, les deux témoins sont-ils des civils de Saint-Dié. Donc pas d’identification de la compagnie à travers les éventuels camarades mentionnés. D’autre part, Eric Mansuy qui a été sollicité ne dispose pas d’archives médicales de la 41e DI. Là encore, pas de possibilité de retrouver les lieux où il fut blessé.
Il reste donc pour l’instant à émettre quelques hypothèses, basées sur la date de sa mort, le 24 septembre, et le lieu mentionné : La Fontenelle. Les combats y démarrent le 14 septembre, mais il y a plusieurs opérations pour les différents bataillons :
- Le 14 septembre 1914, le 3e bataillon occupe la Fontenelle, alors que le 2e bataillon s’installe à Launois mais doit se replier, et le 1er à Saint-Jean d’Ormont.
- Le 16 septembre, le 1er bataillon (Barberot) attaque la cote 631 qu’il parvient à atteindre en chassant les Allemands au delà de la crête, pour s’y installer.
- Le 18 septembre, le régiment attaque Gemainfaing. Le bataillon Barberot atteint la crête, le 3e bataillon s’attaque au village. Les combats se poursuivent le lendemain, 19 septembre. Le 20 septembre, les positions de Gemainfaing sont lourdement bombardés.
- Le 21 septembre, l’offensive française reprend, avec l’occupation de Battant-de-Bourras et l’attaque par le 2e et 3e bataillon vers le bois des Faites, Le Fraiteux et la cote 620.
- Le 22 septembre, les troupes restent sur leurs positions mais y subissent des bombardements violents.
- Le 23 septembre, la 12e compagnie est rattaché au 363e RI pour relever les troupes à La Fontenelle. Il participe aux combats violents qui s’y déroulent le 24.
Si on peut supposer que le soldat Janodet est tombé sur cette période, il est difficile de dire combien de temps il est resté à l’hôpital avant de mourir de ses blessures. Eric Mansuy que j’ai interrogé sur le délai de « survie » dans un hôpital m’a indiqué que les études à ce sujet montrent une grande diversité de situations. Le soldat peut mourir quelques heures après comme il peut rester en vie plusieurs jours avant de décéder.
Reste la mention de La Fontenelle. S’il s’agit du lieu exact de sa blessure, alors les combats du 16 septembre sont les événements les plus probables, et le soldat Janodet ferait parti du bataillon Barberot. Les combats du 24 septembre ne permettent pas l’évacuation et le décès le même jour à l’hôpital. Mais peut-on entièrement s’appuyer sur cet élément, et ne pas retenir les combats de Gemainfaing ? Il faudrait d’autres indices pour confirmer par croisement que c’est bien lors de l’assaut de la cote 627 qu’il est blessé.
Dernier point à retrouver aussi : son lieu de sépulture. Absent des bases des nécropoles, son corps a dû être rapatrié par sa famille. On retrouve son nom sur deux monuments aux morts : celui du village de Saint-Nizier le Bouchoux (lieu de naissance), et celui de Cormoz, dont il ne semble pourtant pas être résident.
A l’occasion de cet hommage, sa fiche sur Mémoire des Hommes a été indexée.
Monsieur van Mastrigt,
Je tiens à vous remercier moi aussi, comme l’a si bien écrit Mme JANEAZ.
Sans le travail de recherches que vous avez effectué avec l’aide de Messieurs Mansuy et Crozet, je n’aurais jamais pu connaitre le parcours de ce grand-oncle au sein du 133ème RI.
Bien sûr il y a encore certains éléments qui manquent mais grâce à vos recherches avisées, je sais à présent le lieu ou il fut blessé : la Fontenelle.
La Fontenelle, un lieu que je ne manquerais pas de visiter lors de mon prochain séjour dans la région.
Encore un grand merci à vous tous d’avoir rendu hommage ainsi à mon grand-oncle
Cordialement
Jean Luc PONT
J’ai constaté que l’on trouve souvent des allusions à tel ou tel copain de tranchée, dans « Le Souvenir », organe des anciens du 133e R.I. Cette revue imprimée sur du papier glacé a existé jusqu’au tout début des années 80. La difficulté en ce qui concerne le soldat Janodet, c’est qu’il est mort moins de deux mois après le début de la Grande guerre, ce qui réduit considérablement les chances de lire des lignes faisant allusion à lui.
Il y a un double phénomène : d’une part le fait que le soldat Janodet ait été tué moins de deux mois après le début de la guerre, mais aussi que le nombre de survivants en 1918, parmi les combattants de la première heure ait été probablement faible. Il y a peu de survivants pour rappeler leur camarade.