Lors de mon premier déplacement sur le lieux des combats dans les Vosges en juillet 2015, le col de Journaux avait été l’un des plus difficiles à comprendre (voir l’article Sur la piste du commandant Barberot : le col des Journaux). Un site difficile à localiser, un col peu prononcé, une route et un bois qui ne donnaient pas une vue claire des combats. J’étais un peu désorienté. L’été suivant, à l’occasion d’un nouveau passage sur les lieux, Eric Mansuy me proposait d’explorer le secteur le dimanche 3 juillet 2016 après-midi. Une occasion inespéré pour mieux comprendre avec l’aide de l’expert qu’est Eric, ce combat d’arrêt, miroir en creux de la bataille de la Marne, qui permit in fine d’arrêter puis de repousser l’envahisseur allemand. Et de revisiter cette bataille des cols en trois épisodes : le secteur aujourd’hui, la chronologie des combats et enfin les témoignages.
Une visite du théâtre d’opérations, 100 ans après
Après un rendez-vous donné devant l’église de Plainfaing (qui accueillit le cercueil du commandant le 10 août 1915), un passage au cimetière municipal où nous venions de retrouver la tombe de Charles Barberot, son fils et son épouse, nous nous engageons sur la route pour rejoindre Fraize, le village bien plus large situé à côté. Fraize, qui devint pendant la guerre, un carrefour important à l’arrière pour le front des Vosges, se trouve au pied de la zone des combats qui vit s’affronter dans une lutte sans merci les français et les allemands en septembre 1914. Nous filons sur la petite route vers le massif qui surplombe le village. Pas besoin d’un GPS pour y arriver, le chemin est bien connu d’Eric Mansuy. On tourne à droite, et au bout de peu de temps nous retrouvons devant la table d’orientation qui marque le col. Autour ce bois touffu que j’avais déjà observé l’année précédente, et cette route qui se poursuit droit devant pour rejoindre au bout le col du Bonhomme. Derrière nous, une pentes plutôt douce, qui descend sur Fraize.
Le col des Journaux
Nous reprenons les récits des combats pour essayer de comprendre ce qui s’est passé ici, et où les combats se sont déroulés. Le journal de marche du 133e RI présente une étrangeté : le récit est coupé en deux, entre les 1ers et 3e bataillon d’un côté, et le 2e de l’autre. En fait, le régiment est bien divisé en deux, le 2e bataillon se positionnant plus loin sur un autre axe.L’historique a dû être écrit en deux temps. Il n’en demeure pas moins que le récit est confus. Il y a sur plusieurs jours, des aller-retour entre la position du col des Journaux, la dernière ligne avant que Fraize ne tombe et que le col du Bonhomme ne soit pris à revers, et plusieurs positions plus loin, dont l’une est clé dans les récits : la tête de Béhouille. Nous décidons de nous y rendre.
La tête de Béhouille
La route qui mène vers la tête de Béhouille éclaire d’un jour nouveau le champ de bataille. La voie principale est en ligne de crête, perpendiculaire à l’arrête du col des Journaux. On franchit le col de Mandray, puis la route descend par de grands virages sur la droite en fond de vallée, vers l’hameau du Chipal, direction La Croix-aux-Mines. L’ensemble est dégagé, sauf derrière vers le col, habillé tout au long d’un bois. Le paysage n’a pas dû changer significativement. Il y a peu d’habitations, les terrains étaient déjà à l’époque moins cultivés. Les récits parlent de plusieurs mamelons en direction de la tête de Béhouille, mais ce sont de petits mouvements de terrain. En revanche, ils sont très éloignés
de notre objectif final, que nous atteignons à pied après avoir laissé la voiture, en suivant une faible pente. Il y a certainement 600 mètres à franchir entre le bois du col, et cette tête. Les attaques successives des français pour prendre la position se déroulaient donc sur un champ à découvert, aisément pris à revers par l’artillerie allemande positionnée discrètement sur les hauteurs à droite, vers La Croix-aux-Mines.
La tête de Béhouille surprend. Elle n’est pas réellement une position naturellement fortifiée, lorsqu’on prend la route en provenance du col. Mais
c’est oublier qu’elle domine une autre vallée en contre-bas, qu’elle surplombe. C’est là son intérêt stratégique, que nous pouvons difficilement voir. De là, l’artillerie allemande peut notamment dominer Saint-Dié. Les chasseurs du 13e bataillon cherchèrent à la prendre par cette face, à partir du village de Mandray, mais laissèrent des pertes importantes sur le flanc. Un monument érigé au centre de la tête leur est dédié, sans d’ailleurs mentionner le 133e RI qui participa aussi à ces combats. Encore un problème mémoriel, comme dans la vallée de la Fecht et Metzeral ?
La Chipal et la Croix-aux-Mines
Après avoir observé le site, et la distance que le sépare de la lisière au fond, couvrant le col de Mandray et des Journaux, nous reprenons la route et descendons vers La Croix-aux-Mines. Traversée du hameau du Chipal, au fond de la vallée, poursuite de la route et arrivée finale à La Croix-aux Mines. De là, les Allemands organisaient leur artillerie et leurs attaques. Avec Eric, nous nous rendons au cimetière pour retrouver la tombe des cinq officiers du 133e RI qui y sont enterrés (voir l’article consacré aux tues du 133e RI à la Croix-aux-Mines).
A la fin de cette journée, ce simple parcours remet les éléments en place et comme toujours, invite à relire avec un nouvel angle, la chronologie des combats et les récits qui y sont associés.
Prochain épisode : le col des Journaux revisité (2/3) – la chronologie des combats