Ce 11 novembre 2019, anniversaire de l’armistice, le village de Chénas (Rhône), son maire Jacques Duchet et son curé le père Pattyn, rendront hommage à l’abbé Jean-Louis Roux, dit Loys Roux (1882 – 1970) en inaugurant une esplanade à son nom, devant l’église. Pour tous ceux qui s’intéressent aux combats du Ban-de-Sapt, Loys Roux et son frère Joseph (lui aussi abbé) sont connus par leurs nombreuses photographies (entre 1 500 et 2 000, suivant les sources) du secteur.
Prêtre-brancardier au 23e RI
Yann Prouillet détaille dans sa note biographique, publiée sur le site du CRID (voir ici l’article), le parcours de Loys Roux. Né à Buxy le 12 novembre 1882 dans une famille qui compte cinq enfants, il rentre avec son frère Joseph (1881 – 1915) au petit puis grand séminaire de Lyon. Ils sont ordonnés prêtres et nommés vicaires dans la même ville. A la déclaration de guerre le 3 août 1914, ils se portent volontaires et sont affectés comme brancardiers dans la région de Lure (on affecte souvent les prêtres à cette fonction – au début de la guerre, il y a très peu d’aumôniers dans l’armée, un par division). Souhaitant rejoindre une unité combattante, ils sont mutés au 23e RI, le régiment « soeur » du 133e RI. Tous deux toujours brancardiers au sein du régiment, Joseph tombe le 21 décembre 1915 durant les combats de l’Hartmannswillerkopf en secourant un blessé. Son frère, seul maintenant, participera à tous les combats du régiment, et sera démobilisé en 1919.
Le régiment des photographes
Pendant toute la guerre, les deux frères puis Loys seul – amateurs de photographie avant la guerre – prennent d’innombrables clichés sur la vie quotidienne dans les tranchées. Loys les annote soigneusement. Les clichés captent la condition de leur prise, bien au delà de leur image, par leur floutage (dû au tremblement des bombardements ou du camion). Plusieurs sont présentés sur le parcours aménagé autour de la nécropole du Ban-de-Sapt. Avec le docteur Frantz Adam, le docteur Henri Bussillet, alias Henri Bussi-Taillefer, ami de Louis Lumière et le docteur Joseph Saint-Pierre (tous font partie du service de santé), ils contribuent à nommer le 23e RI le « régiment des photographes« . Au sein du 133e RI, des clichés seront pris par le lieutenant Charles Vuillermet.
Vous pouvez retrouver quelques uns de ces clichés des frères Roux ici.
La photographie pendant la Grande Guerre
Dès 1901, des directives émanant des autorités militaires interdisent la pratique photographique au sein des armées par les soldats non autorisés mais se révèlent incapable lors du conflit de prohiber son usage. De nombreux soldats – surtout des officiers car le prix d’achat et les développements restent onéreux – disposent d’appareils portatifs facilement utilisables dans les tranchées (du type Folding Pocket Kodak qui utilise un négatif de format 57 × 82 mm) et transgressent l’interdiction. Le journal Le Mirroir publie tout au long de la guerre des clichés envoyés par les combattants (et pour lesquels ils sont rémunérés), dont certains d’ailleurs de Loys Roux. L’armée semble s’en accommoder. Lors des mutineries de 1917, elle n’aurait pas hésité à confisquer ceux de l’abbé afin de servir de preuves, comme l’écrit le docteur Adam dans Sentinelles… Prenez Garde à Vous…
L’abbé Loys Roux après la guerre
Après la guerre, l’abbé Roux devient curé en 1937 de Chenas (Rhône). Il y officie pendant 22 ans jusqu’en 1959 et laisse le souvenir d’un homme au caractère trempé, mais très disponible pour la population (voir l’article publié à ce sujet sur le site catholique Aleteia). Une de ses photos est exposée dans l’église de la Trinité du village. C’est pour lui rendre hommage que ce 11 novembre 2019 est inaugurée l’esplanade qui maintenant porte son nom. Un bel hommage.
Une erreur s’était glissée dans la version initiale de l’article. La commune concernée n’était pas Servas (orthographié Cervas) et son maire dans l’Ain, mais Chénas, dans la Drôme. Tout cela a été corrigé. Merci au lieutenant-colonel Pierret d’avoir permis de l’identifier.