Philippe van Mastrigt a bien choisi son moment pour publier ce livre sur son grand-oncle, le commandant Charles Barberot, tué glorieusement sur la crête du Linge il y a juste cent ans, le 4 août 1915, à la tête du 5e BCP.
Ce site est prestigieux, ce bataillon «le Roi du Linge» est prestigieux, cette mort est prestigieuse, mais Charles Barberot lui-même l’est aussi car c’est le génial organisateur des défenses de La Fontenelle et le héros de Metzeral, épisodes de la Grande Guerre dont les Vosges fêtent cette année le centenaire.
Les trente jours passés dans cette unité de chasseurs à pied, n’occultent pas les dix ans et trois mois passés au sein du 133e RI de Belley depuis 1905. Après deux ans de Saint-Cyr, deux années d’officier de marine en Crète, puis le même laps de temps à Madagascar, c’est dans ce régiment d’infanterie bugiste que Charles Barberot montrera ses qualités d’officier. Sa formation certes, mais surtout sa remarquable intelligence, soulignée par sa hiérarchie, et qui transpire dans ses publications, en font un instructeur hors pair en période de paix. La guerre confirme ce talent professionnel, il s’applique à lui-même les qualités qu’il prête à l’officier idéal: sang-froid, prudence et maîtrise totale. Avec le régiment, il participe en 1914 à l’escarmouche de Telleningen, aux batailles de Cernay, d’Aspach et de Mulhouse, à la sinistre boucherie du col des Journaux où il remplace le 3 septembre, au pied levé, le commandant du 1er bataillon, tué. Il sauve les débris de son unité de la pression allemande, déjà par la construction de fortifications. Quinze jours plus tard, la guerre de tranchées se substitue à la guerre de mouvement. Il transforme la position stratégique de La Fontenelle, sur la commune de Ban-de-Sapt, en une redoutable citadelle, à rendre jaloux un architecte militaire. Déplacé dans l’Ormont à Hermanpère, il organise des retranchements que les chroniqueurs, et même les journalistes, citent en exemple.
Si Charles Barberot sait édifier des citadelles, il sait aussi les prendre. A ‘Metzeral, les fortifications allemandes de la cote 830 ont résisté à cinq assauts des chasseurs alpins depuis trois mois. En quatorze minutes, précédées il est vrai d’analyses approfondies et de très longues préparations d’artillerie, le 1er bataillon du 133 enlève la position. C’est en raison de ce succès que le vainqueur de Metzeral sera porté à la tête du 5e BCP mutilé qu’il faudra relever.
Ce qui frappe dans le comportement de Charles Barberot, comme dans celui de beaucoup d’officiers et de soldats de cette époque, c’est son mépris de la mort. Il sait, avec l’expérience de onze mois de guerre, que statistiquement un officier d’infanterie n’a pratiquement aucune chance de survie, si ce n’est d’être grièvement blessé et de rester invalide. Bel exemple d’abnégation. Merci à Philippe van Mastrigt de nous rappeler cette page d’histoire.
Dominique Saint-Pierre
Ancien député
Auteur de La Grande Guerre entre les lignes’