A la découverte du Bugey du 133e RI : Ambutrix (2)

Suite du premier épisode : A la découverte du Bugey du 133e : Belley (1)

Après un premier temps à Belley, berceau du 133e RI et ville de garnison du commandant Barberot, c’est l’occasion de rejoindre les lieux associés à Louis Chevrier de Corcelles, sujet de mon deuxième ouvrage : Ambutrix, Ambérieu-en-Bugey, Chazay-sur-Ain… Ambutrix est abondamment cité par Louis dans ses lettres, petit village où résidaient ses parents. C’est bien l’objectif premier. Mais ce sont aussi de nombreux autres lieux du Bugey qu’il évoque sans cesse, sources d’anciennes promenades, de racines familiales, ou bien origines diverses des soldats qui l’entourent dans la tranchée.

La traversée du Bugey

Pour rejoindre Ambutrix à partir de Belley, plusieurs options s’offrent à moi. Je décide d’une traversée intérieure du Bugey par la D32, en quittant la D1504 avant Chazey-Bons. Celle qui me semble proposer les plus beaux paysages.

Peu après la sortie de Belley, la voie annonce Bourg-en-Bresse, la « grande » ville, où s’arrête encore aujourd’hui le TGV Lyria Paris-Genève. C’est le fief historique de la famille de Corcelles, où Louis est d’ailleurs inhumé. La voiture retrouve rapidement la voie de chemin de fer déjà remarquée. C’est bien celle que les hommes du 133e RI prirent lors de la mobilisation. Une simple carte montre encore aujourd’hui comment elle rejoint Ambérieu-en-Bugey, petit nœud ferroviaire à la croisée de Lyon, de Bourg-en-Bresse, de Genève. Le soldat Comte, dans son carnet non publié, indique d’ailleurs ses « gares-étapes » d’août 1914 pour le front : Belley, Virieu-le-Grand, Ambérieu-en-Bugey, Bourg-en-Bresse, puis Lons-le-Saunier, Poligny, Besançon, Baume-les-Dames, Montbéliard, Héricourt et enfin Belfort.

La D32 se présente rapidement sur la gauche et grimpe doucement en hauteur, au milieu d’un paysage rural, mélangeant élevage et bois. Jusqu’au débouché, au niveau de Lagnieu, peu de villages seront traversés (Ordonnaz). Les maisons isolées sont elles aussi rares. On croise une « route du Mollard de Don », ce sommet indiqué par de Corcelles. La départementale serpente au milieu de cette moyenne montagne, dont on franchit finalement un col pour redescendre doucement vers la vallée du Rhône. Deux villages serrés et agrippés aux pentes (Souclin et Soudon) précédent le débouché final sur la D122, devant Lagnieu, avec une belle vue sur le fleuve.

Sur la gauche, la route mène à Saint-Sorlin-en-Bugey, où habitaient les Crozet de la Fay, cousins de Louis de Corcelles. Deux des trois fils (Guy et Robert) tomberont respectivement en 1914 et 1916. Lagnieu sur la droite est le gros bourg, actuellement de 7000 habitants, mais bien plus modeste en 1914 (2000 habitants). La plaine du Rhône, contrairement à la montagne, ne s’est pas dépeuplée, bien au contraire. Le vignoble s’offre au regard sur les versants. Et les maisons individuelles se remarquent partout autour des villages historiques. La proximité de la métropole Lyonnaise doit sans aucun doute stimuler la construction. Il ne faut que quelques kilomètres pour voir à droite sur la route, en retrait de 200 m, le petit village d’Ambutrix, accroché au flanc des collines du Bugey.

Ambutrix

Une observation par Google et Street view ne m’avait pas permis de bien observer l’intérieur du vieux village. Ses rues étroites avaient dû stopper les prises de vues. Je n’avais pu observer qu’une vue de la façade de la maison de famille, précédée d’une statue de la vierge. L’arrivée « en vrai » est donc l’occasion d’une vraie visite, que je ne regrette pas. Je décide de passer sur le côté du bâtiment pour grimper jusqu’à la très jolie église (Saint-Maurice) au clocher remarquable, qui surplombe le village. J’y gare mon véhicule.

La maison familiale est imposante, la plus importante du village dont son arrière-grand-père maternel fut maire. Elle est aujourd’hui la propriété d’une petite-nièce. Plusieurs corps de bâtiment semblent l’articuler. Sa façade domine les deux montées latérales. Son toit est majestueux. Un jardin la ceinture par endroits. Sur le côté droit, l’escalier d’entrée conduit à la particularité si souvent citée par Louis de Corcelles : sa galerie.

Rien, rien ne me fera oublier la galerie Ambutrix

…les formidables événements qui se déroulaient alors sur les champs de bataille de l’Europe tandis que nous étions encore relativement paisibles sur la Galerie d’Ambutrix, et moi tout à mon engagement.

Il s’agit d’une cour intérieure mais ouverte sur l’extérieur, couronnée par une galerie d’où l’on peut observer la plaine du Rhône. Le lieu où la famille se rassemblait certainement l’été, lors des grandes vacances.

 

De retour sur la place de l’église, une grande carte expose les nombreuses randonnées possibles dans la région.
Ce fût déjà une activité prisée avant la guerre, que le jeune Louis pratiquait. Pourtant, la famille devait parfois emprunter le train, dont une petite ligne s’étale toujours au bas du village (une carte postale trouvée sur Internet présente même la gare d’Ambutrix, un village de moins de 250 habitants), pour se rendre à Ambérieu-en-Bugey, et de là vers Genève avec son père, ou vers Belley.

Il est temps de repartir pour une dernière étape, Chazey-sur-Ain. La route qui mène vers la départementale traverse la plaine aujourd’hui parsemée de maisons individuelles récentes, mais certainement cultivée à l’époque de Louis.  Le village – contrairement à ma première impression lors du commentaire du livre – est loin d’être isolé, et il n’est pas difficile de rejoindre rapidement Ambérieu-en-Bugey à quelques kilomètres, puis Lyon ou Bourg-en-Bresse. La population a d’ailleurs triplé depuis 100 ans… Je pense rechercher le monument aux morts, mais je ne sais où il se trouve. Il n’était pas sur la place en hauteur, face à l’église, où je l’aurais situé spontanément. Ce sera donc pour une prochaine visite… Le nom de Louis de Corcelles est d’ailleurs inscrit dans de multiples lieux : Ambutrix, Chazey-sur-Ain, Bourg-en-Bresse et même le Panthéon à Paris, parmi les écrivains morts pendant la Grande Guerre.

Chazey-sur-Ain

Dernière destination, le village natal de Louis de Corcelles : Chazey-sur-Ain. Il se situe plus loin dans la plaine, à une dizaine de kilomètres. Les terres traversées semblent fertiles. Est-ce toujours le Bugey ? J’en doutais, tant j’attache cette région à la nature sauvage traversée plus tôt. Mais les notices en ligne me contredisent. On est de fait aux limites…

Au loin, quelques vieux donjons visibles de la route rappellent le riche passé de la région, qui passionnait tant le jeune Louis. Chazey-sur Ain présente d’ailleurs l’une des plus belles bâtisses, un imposant château. Ce dernier fût acquis et restauré au XIXe par Marius Cote, un banquier mécène. La mère de Louis épousa le fils de ce dernier en premières noces. Elle devait toujours y résider après son remariage avec le Félix de Corcelles. Ce dernier devint d’ailleurs maire de Chazey-sur-Ain de 1900 à 1912.

Le bâtiment est aujourd’hui propriété de la communauté de communes, et le parc ouvert au public. Derrière laquelle de ces nombreuses fenêtres naquit le jeune Louis ? La taille du château semble démesurée, et son entretien ne pouvait être financée que par une riche famille…

Le temps presse néanmoins et je quitte Chazey pour Lyon, avec le sentiment d’un survol trop rapide mais la conviction qu’on ne peut bien comprendre un récit qu’en parcourant les lieux. Il faudra revenir…

 

 

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